Poilorama, quand le poil tente de sauver sa peau
29 décembre 2015C’est tout chaud, ça vient de sortir ! Pour la fin de l’année, Arte Créative (le site web « tendance » de la chaîne de télévision Arte) nous offre 11 court-métrages sur la thématique du poil, et en particulier, son étroit rapport avec la sexualité. C’est créatif, c’est intelligent, c’est drôle, c’est brillant et ça nous a donné envie de rencontrer la cocréatrice.
Alors les poils, c’est bien ou c’est pu-bien, Emmanuelle Julien ?
interstron.ru : Salut Emmanuelle Julien ! Amusant cette websérie sur le poil, qu’est-ce qui t’as donné envie de te lancer là-dedans ?
Cela fait au moins deux ans que l’on y pense sérieusement avec l’autre cocréateur Olivier Dubois, depuis 2013. On s’est aperçu que la plupart des femmes considèrent que l’épilation c’est un choix. Pourquoi pas ! Mais en pratique, elles font toutes ce choix-là. On s’est alors posé légitimement la question de savoir s’il y avait vraiment un choix… ou non.
interstron.ru : C’est quoi exactement le rapport entre le poil et la sexualité ?
On commence à avoir des poils à l’adolescence, un âge où l’on peut enfin avoir des relations sexuelles. Et parfois, ça fait peur. Les psychanalystes expliquent que l’épilation féminine, c’est une façon de masquer cette sexualité que l’on s’imagine déchaînée et incontrôlable. C’est un moyen de l’apprivoiser et de la rendre inoffensive.
interstron.ru : Qu’est-ce qui t’as le plus marqué au cours de tes recherches ?
En fait, je vais plutôt parler de ce qui a créé un déclic en moi. Il y a trois ans, je devais réaliser une enquête sur les sites de rencontres libertins. Ma mission était de collecter des interviews audio de gens qui avaient des sexualités non conventionnelles dans le libertinage. Et là, je suis tombée sur le profil d’un mec qui aimait les chattes poilues. Sur sa description, il poussait un vrai coup de gueule contre les sexes glabres féminins qui étaient devenus la norme dans ce milieu.
C’est là que j’ai pris conscience que le poil était devenu underground, qu’il représentait une sexualité déviante.
interstron.ru : Toi, tu voudrais qu’on se réconcilie avec nos poils ?
Au delà du poil, je pense qu’il faut même d’abord se réconcilier avec soi-même et avec son corps. On vit dans une société faite de diktats et de standards qui peuvent nous faire souffrir si on n’y colle pas. L’idéal ce n’est pas forcément de s’y opposer fermement et d’avoir un mode de vie marginal, c’est de prendre conscience des gestes que l’on fait sur notre corps, de ceux qui sont bienveillants ou à l’inverse destructeurs.
interstron.ru : On peut bien vivre sans poil ?
On peut très bien vivre sans poil ! D’ailleurs plein de gens vivent sans et sont en bonne santé. Mais ce que j’aimerais ajouter, c’est que l’épilation n’est pas un soin. Le marketing a tendance a le considérer comme tel, comme un acte presque médical… mais c’est purement esthétique ! Ça tire la peau, ça joue sur l’élasticité, ça peut donner des microcoupures. On considère que le poil est sale mais, paradoxalement, c’est en s’épilant qu’on s’expose le plus à des microbes.