Fétichiste, et alors ?
23 février 2016Vous adorez les pieds de votre chéri(e), vous succombez devant des jolies gambettes sublimées par des bas résille, et vous frétillez devant une paire de talons hauts ? Vous avez peut-être des désirs sexuels fétichistes qui sommeillent en vous… Et vous êtes loin d’être le seul ! interstron.ru revient sur cette pratique tendance qui s’invite de plus en plus dans notre quotidien.
Je suis fétichiste, c’est grave docteur ?
Ce soir, c’est le grand soir ! Vous avez rencard avec Cindy, la petite secrétaire de l’entreprise sur qui vous flashez depuis longtemps. Une fois au lit, vous lui demandez de garder ses talons aiguilles, ceux qui vous faisaient tant fantasmer quand vous passiez devant son bureau, et vous voilà parti dans une longue dispute où elle finit par vous traiter de pervers fétichiste et part en claquant la porte.
Mais avant toute chose, êtes-vous vraiment fétichiste ?
Pour Nathalie Giraud, sexothérapeute et fondatrice de Piment Rose, le fétichisme, au sens clinique du terme, est une attirance sexuelle bien particulière et concerne une minorité de la population : « C’est quand la personne est dans l’incapacité d’avoir une excitation sexuelle autre que par un objet, un scénario ou une partie du corps bien précise. » Donc si les seins, la bouche et les fesses de Cindy vous excitent au même titre que ses chaussures, désolé messieurs, vous n’êtes pas considéré comme tel. D’ailleurs pourquoi s’adresse-t-on exclusivement aux messieurs ? Parce que ce comportement sexuel est essentiellement masculin !
« Le fétichisme se développe généralement dans l’enfance, en particulier chez le petit garçon, nous explique notre sexothérapeute. C’est très souvent relié à la mère, il y a quelque chose qui s’imprime dans le corps à cet âge-là : on voit sa mère se vernir les ongles, on s’accroche à ses bas, on l’admire lorsqu’elle s’apprête à sortir en société perchée sur ses talons hauts, le claquement de ses escarpins résonne comme un symbole d’autorité… »
Le fétichiste est à la recherche d’une excitation liée directement à son passé, à un âge où la femme – souvent symbolisée par la mère – était dominante et revêtait le statut d’une déesse à la fois inaccessible (à cause de l’inceste) mais convoitée par le petit enfant. Pour Alfred Binet, le premier à utiliser le mot « fétichisme » dans un contexte sexuel (Revue philosophique, 1887), c’est bien l’expérience érotique infantile qui va déterminer la nature du fétiche.
Si certaines matières (cuir, latex, dentelle) ou certains accessoires (gants, bottes) sont des obsessions récurrentes, aucune ne détrône la podophilie, l’excitation sexuelle provoquée par les pieds.
Freud expliquait ce phénomène particulier par un déni largement répandu chez le petit garçon qui surviendrait lors de la crise œdipienne. Alors que l’enfant se construit sous l’aura d’une puissance symbolique qui semblait incarnée par la mère, il découvre alors qu’elle est dépourvue d’organe viril et semble souffrir d’une lacune, d’un manque. Bien que les fétichistes adultes sachent pertinemment que les femmes n’ont pas de pénis, dans leur imaginaire sexuel ils leur ajouteront un supplément phallique, un besoin essentiel pour atteindre la jouissance, souvent matérialisé par les pieds ou les chaussures.
Est-ce que toutes les histoires d’amour fétichistes se prennent les pieds dans le tapis ?
Non, loin de là. Mais pour éviter les crises de nerfs de Cindy la secrétaire, mieux vaut jouer franc jeu dès le début d’une nouvelle relation. Pour Nathalie Giraud, « on peut tout à fait assumer son fétichisme et les objets de son adoration ! Cependant mieux veut l’annoncer dès le début de la vie sexuelle avec un nouveau partenaire. En particulier, il est nécessaire d’expliquer l’ampleur de ce besoin, pour certains cela fait complètement parti d’eux, de leur quotidien, ils ne se voient pas vivre sans. »
Le malaise survient quand l’un des deux partenaires se sent utilisé, lorsque l’un se sert de l’autre pour assouvir ses désirs. Même si le problème n’est pas tout à fait conscient, une gêne peut s’installer dans le couple.
Il y aussi remise en question lorsque l’un des deux partenaires veut sortir du jeu, veut faire autrement. Le fétichiste peut alors se retrouver désemparé, cela peut mener à de grosses remises en question et à une volonté de comprendre l’origine du fétiche pour vouloir l’apprivoiser, voire le soigner. Mais comprendre le pourquoi du comment est loin d’être une obligation ! Pour vivre sainement son fétiche, on peut tout à fait l’assumer et expliquer à ses conquêtes qu’il est un incroyable booster sexuel…
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Le fétichisme soft, une tendance de plus en plus démocratisée !
Miguel, responsable de la boutique Fetish-SM Démonia, sent l’évolution des mentalités année après année sur cette pratique et une vraie envie d’intégrer un fétichisme soft dans la sexualité quotidienne : « La mode fétiche évolue ! Avant, dès que l’on mentionnait la tenue par excellence du BDSM, on s’imaginait un harnais en cuir avec une femme forte dedans. Ça peut plaire à une partie des gens, mais pas forcément à la majorité. Aujourd’hui ça s’élargit, nos meilleures ventes deviennent plus grand public. Typiquement ce qui s’écoule le mieux, c’est la tenue de Catwoman. Nous, on la vend avec des zips pour conserver les rapports sexuels, et elle remporte un fort succès ! »
Au passage, nous pouvons remercier le monde de la mode et les artistes pop-rock (Beyoncé, Lady Gaga, Rihanna, Miley Cyrus…) qui n’ont de cesse de s’imprégner de ces codes dans leur communication. En cherchant à se sexualiser pour mieux séduire, elles participent à une large démocratisation du fétichisme auprès du grand public.
Il s’est même chuchoté en 2013 que Kristen Stewart, la très célèbre Bella de Twilight, devait jouer dans une romance fétichiste, The Big Shoe, dont la sortie était programmée pour cette année. Par manque de financement le film n’a jamais vu le jour, mais il aurait pu donner un beau coup de pied au cul des préjugés encore latents.
Fétichiste, oui ! Et alors ? !