« Sextorsion » : conseils pour ne plus se faire arnaquer
27 décembre 2019Les arnaques liées au sexe continuent de s’amplifier. Et pour les éviter, il existe quelques astuces.
Le principe arnaqueur/arnaqué (arna-cœur/ar-niqué) lié au sexe s’est avéré prolifique.
Jérôme, 61 ans, se souvient d’un couple qui sévissait dans le Loiret et qui piégeait ses victimes à l’ancienne : « Ils étaient deux, jeunes et beaux. Lui draguait les femmes mariées et elle s’occupait des messieurs en couple. » Dès que l’amant adultère mordait à l’hameçon, ils lui donnaient rendez-vous dans une chambre d’hôtel. Le premier s’arrangeait pour laisser la porte ouverte, puis le second entrait et prenait des photos en pleine action.
Ils monnayaient ensuite les originaux contre une somme d’argent. À l’époque, Jérôme avait payé : « Je devais laisser une enveloppe à un endroit précis, avec 2 000 francs (300 euros). J’avais peur qu’ils ne recommencent leur manège et me demande encore des versements, mais d’une certaine manière, ils ont été honnêtes. J’ai pu récupérer et détruire la pellicule… »
Les arnaqueurs ont migré sur le web
Aujourd’hui, les “sextorqueurs” évoluent principalement sur le net en tout anonymat et sans presque aucun risque…
Lorsqu’il revient sur le sujet, Franck, bordelais de 41 ans, a encore le visage qui se crispe : « Un matin j’ai reçu un mail où l’on m’expliquait que mes appareils (ordinateur et smartphone) étaient sous contrôle (ils indiquaient mon mot de passe). Que tout ce que je faisais et disais était enregistré, qu’ils avaient des images de moi dans ma chambre, mais pas seulement, à poil en train de faire l’amour avec une femme, et que si je ne payais pas l’équivalent de 2 500 euros en bitcoins, ils diffuseraient tout sur mes réseaux sociaux, enverraient les vidéos à mes proches , etc. J’étais perdu, je ne savais vraiment pas quoi faire. Finalement, je n’ai pas cédé et, heureusement, car il ne s’est rien passé. »
L’arnaque se produit de temps en temps en France, mais elle est surtout active en Espagne, avec plusieurs centaines de cas par jour. Là-bas, la police donne comme consigne de ne surtout pas payer en affirmant que les mots de passe proviennent d’anciennes cyber-attaques et que ce principe reste de l’intox, les hackers n’ayant aucune vidéo compromettante en leur possession.
La méthode est connue sous le nom de “sextorsion fishing” et c’est une des principales attaques rencontrées depuis l’an dernier par les moteurs de “malwares”. Le logiciel WatchGard en constate la rapide évolution, principalement en provenance d’Asie…
L’arnaque à la webcam
Mais les “cyber-sextorqueurs” sont souvent plus actifs. L’arnaque la plus courante reste bien celle à la webcam. L’arnaqueur, ou “brouteur” dans le jargon établit une relation de confiance avec un.e internaute, puis lui demande de venir en webcam et enfin, passe à la vitesse supérieure en suggérant à son interlocuteur de s’adonner à des gestes et actes sexuels (souvent de la masturbation). À partir de ce moment, il n’y a plus de retour en arrière possible. Il faut soit payer le prix demandé par l’arnaqueur et espérer qu’il/elle ne divulgue pas ce qu’il possède, soit laisser faire et croiser les doigts pour qu’il ne se passe rien.
Sonia, parisienne de 26 ans, maîtrise parfaitement ce petit jeu et en use de temps en temps : « J’ai plusieurs profils sur les réseaux sociaux, notamment un de “dominatrice”. Je vise des jeunes garçons qui ont peur que leurs copains se fichent d’eux ou alors les hommes mariés. C’est d’autant plus simple que ce sont eux qui me demandent de venir en webcam. Très vite, ils se plient à tous mes ordres. À quatre pattes, bougies dans le cul, rasage, masturbation… Ils font tout ce que je leur ordonne, puis vient le moment de passer à la caisse. Ils versent de petites sommes sur une cagnotte et cela se passe très bien. La plupart de mes contacts sont même excités par l’idée que je les fasse chanter. »
Les “victimes” de Sonia seraient donc consentantes… Des “dominatrices” en ont d’ailleurs fait une spécialité : « Certains soumis viennent me voir pour ce “service” ». Ils savent que je vais les faire chanter et qu’ils seront obligés de m’obéir et/ou de me payer pour que je ne diffuse pas leurs photos et leurs vidéos en fâcheuse posture. »
Ne pas céder aux arnaqueurs
L’arnaque à la webcam est en général très mal vécue. Les victimes sont souvent des adolescents qui s’exhibent devant la caméra par “amour” pour leur interlocuteur.trice. Il existe pourtant des signes qui doivent alerter. Si le niveau de français laisse à désirer, méfiance.
La plupart de ces arnaqueurs utilisent de faux profils et sont souvent basés en Indonésie. Ils utilisent des logiciels de traduction, avec de grosses fautes de français. Il ne faut donc pas se laisser appâter par une photo aguicheuse, le plus souvent elles sont volées sur Internet. La technique est simple pour savoir si une photo est volée, il suffit de la glisser dans la barre de recherche Google. En fonction du résultat, on sait à qui l’on a à faire. Ceux qui fuient ne risquent rien. Il suffit simplement de ne pas entretenir le contact. C’est d’ailleurs le meilleur conseil, après celui de se comporter sur le net comme dans la vraie vie. On ne se met pas nu et on ne se masturbe pas devant un inconnu dans la réalité. Alors pourquoi le faire sur le web ?
Pour celles et ceux qui seraient malgré tout tombés dans le piège, les spécialistes conseillent de ne jamais accepter le chantage. Jean-Claude, capitaine de gendarmerie, combat au sein de son équipe la cybercriminalité en Ile-de-France. Il rappelle le comportement à adopter : « Il faut abandonner toute discussion et supprimer le contact. Ces arnaqueurs travaillent sur le volume et, le plus souvent, n’ont pas de temps à perdre, quand ils constatent que cela ne fonctionne pas, ils passent à une autre victime. Il est tout de même plus prudent de prévenir vos contacts que votre compte a été piraté et qu’ils risquent de recevoir des photos étranges. » Parmi les techniques repérées par Jean-Claude et son unité, celle du logiciel qui bloque le téléphone : « Le principe est entièrement automatisé. La victime télécharge une application qu’elle croit être pour “adulte”. Cette dernière bloque automatiquement le téléphone. Il faut ensuite payer pour le débloquer… »
Dans tous les cas de figures, les autorités conseillent de porter plainte. Même si ces plaintes aboutissent rarement (sinon jamais) car les arnaqueurs habitent d’autres continents (Asie, Afrique), il est important de comptabiliser ces infractions. Plus elles seront reconnues, plus des moyens de lutte seront mis en place.
(Photo à la une : Getty Images)
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