Le sexe après cinquante ans

Flore Cherry 17 décembre 2025

« À 57 ans, je n’ai jamais eu autant de plaisir qu’aujourd’hui », confie Isabelle, cadre retraitée. « À 30 ans, j’étais dans l’urgence : enfants, boulot, mari pressé d’en finir. La ménopause m’a fait peur, j’ai cru que c’était fini. Mais j’ai redécouvert un corps plus disponible. Oui, j’ai parfois besoin de lubrifiant, mais mes orgasmes sont plus intenses qu’avant. On prend plus de temps, je n’ai plus la peur d’une grossesse et mon compagnon adore explorer ma peau. Il me caresse les seins longuement, il joue avec mes cicatrices d’accouchement comme si elles étaient belles. J’ai la sensation d’être vue dans mon entièreté, pas comme une jeune femme parfaite, mais comme une femme réelle. C’est peut-être pour ça que le désir est encore plus fort. »

Ce témoignage rejoint les résultats de l’enquête CSF 2023 (Inserm) : entre 50 et 89 ans, 56,6 % des femmes et 73,8 % des hommes déclarent avoir encore une activité sexuelle régulière. Loin du cliché du désir éteint, la sexualité se transforme, se redéfinit et, pour certains, s’épanouit pleinement.

Le « Kamasutra des seniors » selon Marc Lemonier

L’auteur et historien Marc Lemonier, auteur du «  » (ed. La Musardine) observe ces mutations. Pour lui, la clé réside dans un changement de rythme : « Cette sexualité est très fondée sur la douceur, le contact, la lenteur, le soin. On accepte que ça dure des plombes. »

Finies les acrobaties dignes des films X. Le missionnaire, la cuillère, les caresses prolongées retrouvent leurs lettres de noblesse, surtout avec l’aide de coussins, de lubrifiants ou de mobilier spécialisé comme les sofas tantra. « Quand tu renonces à l’acrobatie, tu découvres d’autres imbrications des corps qui deviennent intéressantes », explique Marc Lemonier.

Il insiste aussi sur l’impact social : « Avoir une sexualité active, c’est être au moins deux, donc maintenir des relations sociales. Or l’un des maux de la vieillesse, c’est la solitude. Une vie sexuelle, c’est une vie. »

« À notre âge, il faut réapprendre »

Jean-Luc, 62 ans, a traversé une prostatectomie. « Après l’opération, j’étais persuadé que c’était fini. L’érection était plus difficile, je n’osais plus séduire. Puis j’ai appris les exercices de Kegel, accepté le Viagra… Et surtout, j’ai arrêté de me focaliser sur ma queue. Ma compagne m’a dit : « Ton sexe, ce n’est pas que ton sexe, c’est tout ton corps. » Aujourd’hui, on s’embrasse, on se caresse, on jouit même sans pénétration. C’est plus tendre, mais aussi plus bestial. Elle aime que je prenne le temps de la lécher, parfois pendant une demi-heure, jusqu’à ce que ses jambes tremblent. Moi, je peux jouir de ses caresses sans érection complète, et c’est une découverte incroyable : le plaisir est partout. »

Des corps qui racontent

À 59 ans, Alain vit une deuxième vie après son divorce. « Avec ma nouvelle compagne, on s’est découverts comme deux ados, sauf qu’on a nos histoires inscrites sur la peau. Elle a des cicatrices de césarienne, moi des tatouages de jeunesse. Sa peau de femme de presque 60 ans m’excite parce qu’elle a vécu. Chaque trace raconte une aventure. Quand je passe ma main sur son ventre marqué, je ressens son passé, ses grossesses, ses douleurs, ses joies. On se touche avec respect mais aussi avec gourmandise. L’autre soir, elle a osé m’attacher doucement avec un foulard. Jamais je n’avais essayé ça à 30 ans. À 60 ans, j’ai l’impression de recommencer ma vie amoureuse. »

Marc Lemonier confirme : « Le corps des plus de 50 ans raconte des histoires. Tatouages, cicatrices, rides… Ce ne sont plus des défauts, mais des récits. Et à cet âge, on a envie de les entendre. »

« On baise mieux qu’avant »

Françoise, 55 ans, divorcée depuis cinq ans, assume : « Avec mon nouveau compagnon, on baise mieux qu’avant. Plus besoin de prouver. L’autre soir, on a passé deux heures sans pénétration : massages, cunni, doigts, sextoys… J’ai eu trois orgasmes, lui a éjaculé une fois, on était comblés. À 30 ans, on aurait appelé ça des préliminaires, aujourd’hui, c’est le cœur de nos ébats. Et ce n’est pas exceptionnel : je peux jouir en me laissant masturber doucement devant lui, en le regardant. Lui, il adore me voir prendre du plaisir, ça l’excite plus que de tenir 30 minutes comme quand il était jeune. »

« À 72 ans, j’ai retrouvé le goût du sexe »

Jacqueline, 72 ans, veuve depuis cinq ans, raconte sa renaissance : « Je pensais que le désir était derrière moi. Puis j’ai rencontré Michel, 75 ans. Nous avons pris le temps, plusieurs rendez-vous avant la première nuit. J’avais peur de mon ventre mou, de mes seins tombants. Mais il m’a dit : “Tu es belle de ton âge.” On a fait l’amour dans la cuillère, moi entourée de ses bras. C’était tendre, chaud, pas acrobatique mais profond. J’ai joui doucement, comme une vague lente. Aujourd’hui, je n’ai plus honte. On fait l’amour une fois par semaine, parfois plus. Je lui ai même fait une fellation sur notre balcon, chose que je n’avais jamais osée avant. J’ai 72 ans et je découvre encore. »

Les défis : articulations, lubrification, érections

Tout n’est pas simple. Michel, 64 ans, souffre d’arthrose : « Les levrettes trop appuyées, c’est fini. Mais avec des coussins, on s’en sort. On a trouvé la cuillère, douce et chaude, je peux bander sans douleur. »

La ménopause entraîne souvent sécheresse et douleurs, mais lubrifiants, gels hormonaux ou simples caresses prolongées permettent de contourner ces écueils. L’andropause, elle, provoque des érections plus fragiles, mais la pharmacopée moderne (Viagra, Cialis) a changé la donne.

À noter : l’enquête Inserm souligne une augmentation des IST chez les plus de 50 ans, liée à la reprise de la vie sexuelle après divorce ou veuvage, et au manque d’habitude dans l’usage du préservatif. Mettre une capote quand l’érection est incertaine reste un défi, mais le préservatif féminin est une alternative intéressante.

Les bénéfices ne sont pas qu’émotionnels. Une sexualité active améliore la circulation sanguine, stimule les hormones, renforce l’estime de soi et entretient la complicité. « C’est comme le sport », résume Marc Lemonier. « Le sexe fait du bien, parce qu’il oblige à rester en forme, de bonne humeur… Ça ne peut être que bénéfique. »

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À propos de l’auteur
Flore Cherry

Flore Cherry

Journaliste, blogueuse et organisatrice d'événements dans le milieu de l'érotisme, je suis une jeune fille cul-rieuse qui parle de sexe sans complexe (et avec une pincée d'humour, pour que ça glisse mieux !)

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