XGirl vs Supermacho, un scénar’, des pornos
4 mars 2016Quand on vous dit pornographie, vous pensez seins siliconés, positions improbables et faux ongles ?
Et si vous alliez faire un tour du côté des réalisatrices féministes ?
Xgirl vs Supermacho, c’est le nom du dernier projet dans lequel s’est lancé la réalisatrice Ovidie (son interview ici) et son acolyte Dist De Kaerth (réalisateur alternatif français un peu en dehors des clous du mainstream) il y a près d’un an.
Une façon de mettre en avant les différentes façons de filmer la pornographie, car oui, le porno ne se résume pas à un objet oblong qui rentre dans une cavité humide, le tout filmé en gros plan. C’est une œuvre à part entière reflet des choix de son réalisateur.
Montrer la pluralité de la réalisation, c’était la volonté première d’Ovidie : « J’étais lassée que les gens ne voient pas les différences entre les films porno féministes et les films mainstream, grands publics. Je me suis alors dit qu’il fallait montrer, plan par plan, que cela n’avait rien à voir. C’était un vrai exercice de style ! »
Xgirl vs Supermacho, un porno deux-en-un
Pour aller au bout de sa démarche, la réalisatrice a réalisé un film de 30 minutes aux couleurs féministes et a demandé à son coéquipier d’utiliser la même trame de départ et de l’adapter avec les codes « classiques » du porno. Le tout a été diffusé samedi dernier en split screen (c’est-à-dire que l’écran est coupé en deux et les deux films apparaissent simultanément) sur Canal +.
D’un côté l’histoire est relativement réaliste – une rencontre façon « plan cul » moderne – et de l’autre, c’est une vision complètement fantasmée d’une relation sexuelle entre inconnus.
Concrètement, c’est quoi les différences ?
Pour Ovidie cela se traduit par des éléments diamétralement opposés :
« La première différence vient de l’esthétique : les tenues, le maquillage, l’absence ou la présence de poils, l’éclairage… nous recherchons le naturel dans le premier film, alors que dans le second, le corps de la femme est souligné par de nombreux artifices (faux-cils, fond de teint, tenues moulantes, talons hauts etc.). D’ailleurs, nous n’avons pas cherché le naturel « à tout prix », dans le premier film, Stoya (NDLR : l’actrice principale), est présentée telle qu’elle est dans la vraie vie : les poils, elle les avait avant le tournage et sa tenue « casual » est identique à celle qu’elle avait quand je l’ai rencontrée pour la première fois, à l’atterrissage de son avion. »
D’autres différences tiennent aussi de l’attitude. Dans le premier film, l’actrice semble avoir des réactions similaires à n’importe quelle fille de son âge, il est donc assez facile de s’identifier à elle. Par exemple, elle est très mal à l’aise lorsque son copain l’emmène dans une sorte de « baisodrome », chez une autre femme, et elle s’enfuit au bout de quelques minutes. Dans le second film, sa libido semble être la seule maîtresse à bord de son cerveau, effaçant au passage la jalousie, la pudeur, la gêne etc. Comme une automate, elle se jette directement sur cette autre femme avec appétit, ce qui est assez peu réaliste dans la vraie vie.
De même, l’art de filmer diffère nettement d’une scène à l’autre. Dans le première histoire, les plans sont diversifiés, aérés, dans la seconde, ils sont beaucoup plus centrés sur la pénétration.
Le porno féministe, ce n’est pas un porno « pour les femmes »
Selon notre réalisatrice, il est important de rappeler que « porno féministe » ne veut pas dire porno féminin ou porno à destination des femmes.
« On pense souvent que le porno féministe se veut représenter l’audience féminine. Mais c’est une confusion ! J’ai eu beaucoup de retours masculins très positifs sur mes précédents films, notamment « Le Baiser ». Je ne pense pas que tous les hommes aiment mater du gonzo pur et dur. Ils sentent bien que c’est bidon, et beaucoup ne se retrouvent pas dans cette image tronquée de la sexualité. »
Le porno féministe se distinguerait ainsi du porno dit « classique » par une recherche de réalisme dans les scènes, de pratiques sexuelles en adéquation avec celles des actrices et surtout… d’une éthique irréprochable durant le tournage !
« On tourne toujours avec un préservatif. Et dans la majorité de mes films, il n’y a pas d’anal, tout simplement parce que les actrices ne veulent pas en faire ! »
Et si vous voulez aller plus loin, n’oubliez pas de lire : Et si on changeait notre regard sur le porno ?