Et si on changeait notre regard sur le porno ?
24 novembre 2015On ne va pas vous la faire : le porno n’est pas un danger pour la santé mentale, il ne s’agit pas d’une pratique déviante ni d’un affront fait à la femme, à l’homme, ou à l’humanité. On a tous eu recours à un petit film de temps à autre pour stimuler l’imaginaire à deux ou tout(e) seul(e)… Oui mais voilà, le porno actuel, que l’on dit si omniprésent, pléthorique, voire écrasant pour la sexualité de ses consommateurs, est-il vraiment satisfaisant ?
Premier constat : à défaut des sondages très orientés, parce qu’ils sont généralement produits par de grands noms du secteur, il n’y a guère que les clics et les achats de vidéos sur les sites de VOD (vidéos à la demande) qui permettent de dresser une cartographie des préférences françaises en la matière. Mais en faisant cela, on ne sait pas si le film a été consommé en couple, par une femme ou par un homme… À moins d’aller poser directement les questions aux acheteurs.
C’est ce que nous avons fait : « Couples français, aimez-vous la pornographie ? »
Les couples ? Juste une niche…
Globalement, la réponse qui nous a été faite par les couples consommant du porno (surtout les filles !) est la suivante : ils ont appris où aller chercher leur bonheur en ligne, mais ils ne se reconnaissent pas dans les productions françaises actuelles ni dans celles des années 1990 et 2000. Contraints de se tourner vers le porno le moins décevant et généralement pas français, ils ne sont pas réellement satisfaits par l’offre. Ils font un choix par défaut et s’en contentent. De là à conclure que la niche reste largement sous-exploitée en France, il n’y a qu’un pas, mais qui saura relever le défi ? Et surtout, le porno pour couple étant déjà traité comme une niche commerciale défavorisée par les grandes plateformes du secteur, on pourrait se poser la question suivante : faut-il vraiment faire du porno pour couple ? Ou du porno pour femmes ? Pire : du porno pédagogique… Et puis quoi encore ! Ça exciterait qui du porno didactique ?
Le choix de madame
Finalement dans l’intimité du couple, comme bien souvent, c’est madame qui va choisir le contenu coquin à regarder à deux, le soir sur le canapé, un plaid bien chaud à portée de main… On ne s’étonnera pas, dès lors, de retrouver les grands noms du X féminin et féministe dans les témoignages de nos lecteurs et lectrices qui consomment en couple.
Ainsi Aurélie, 25 ans, confesse : « Je n’ai jamais rien trouvé qui satisfasse pleinement mes envies dans le porno, mais j’aime assez ce que » Notre lectrice ajoute même, pour que les choses soient bien claires : « De toute façon, c’est extrêmement rare que ce soit le mec qui propose de regarder du porno. C’est toujours moi qui suis obligée de demander au gars si ça le branche qu’on s’en mate un. Il y a comme un fossé entre la consommation solo des hommes et leur propension à consommer en couple, non ? Assumez un peu, les gars ! »
L’autre nom incontournable sur cette scène du , pionnière bien connue qui a émergé au cours des années 2000 en montant sa propre maison de production à Barcelone. La réalisatrice qui faisait initialement figure d’ovni dans le monde des films pour adultes a su donner un nouveau visage à la pornographie féministe (peut-être même au féminisme !), et son parcours inspire déjà des vocations.
Brillant exemple de ce cercle vertueux, la jeune réalisatrice Lucie Blush a d’abord travaillé pour Erika Lust pendant un an et demi avant de lancer sa propre carrière. Ses films nous ont été conseillés par un lecteur qui y trouve quelque chose de « plus humain, de plus vrai » que dans le porno mainstream.
Lucie Blush, le charme de demain
La jeune réalisatrice tient un discours simple et plein de bon sens : « Je ne trouvais pas ce que j’avais envie de voir dans le porno et je voulais faire quelque chose de différent. Après avoir tenu un blog sur le sujet pendant six mois (), j’ai voulu traduire mes propres fantasmes en images. »
Sa proposition d’un cinéma porno plus naturel avec de beaux acteurs et de belles actrices, qui pourraient aussi habiter sur le même palier que vous, frappe immédiatement par sa recherche d’honnêteté, loin des clichés de la sculpturale poupée siliconée et du bellâtre en costume de plombier. Mais cette jeune touche-à-tout à la tête bien faite a encore su déjouer deux autres pièges : premièrement, celui d’un porno trop élégant qui n’engagerait à rien sauf à la mollesse, avec option coupe de champagne au coin du feu et tenues de soirée ampoulées ; deuxièmement, à l’opposé du spectre, elle n’a pas non plus sombré dans les affres de la production militante saturée de poils sous les bras et de politisation malvenue.
Résultat ? Des films frais qui se visionnent seul ou à deux avec une qualité visuelle léchée et des orgasmes sincères qui ne donnent de leçon à personne et surtout pas à la pornographie traditionnelle. « Je ne suis pas en France actuellement, mais je sais qu’il y a un attrait pour l’esthétisme dans notre pays, et les grandes plateformes commencent à se rendre compte de ce besoin de renouveau », constate la jeune réalisatrice, avant d’ajouter pleine d’espoir : « Ce qu’il nous faut, c’est une démarche inclusive, pour les femmes, les hommes, les couples… tout le monde. Le sexe, c’est mieux à plusieurs, et il faut de la diversité pour se donner des idées en couple. Moi, je n’essaie pas de changer la demande, je ne fais qu’y répondre ! »
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Les petits malins…
Un discours qui fait déjà des émules au sein de la gent masculine qui a bien compris qu’on n’attrapait pas les mouches avec du vinaigre et qui commence à se lasser des tubes, ces sites Web qui offrent des vidéos gratuites de très basse qualité en streaming. C’est le cas de Valentin, 32 ans : « J’ai remarqué que mes copines aimaient bien mater des films gays. Ce n’est pas trop ma tasse de thé, mais je reconnais que leurs productions sont très esthétiques et qu’elles stimulent bien les filles, alors parfois, je cède ! À titre personnel, je préfère les films de Jenna Jameson qui a la particularité d’être une femme, mais de réaliser des films surtout destinés aux hommes. Sinon, à deux, j’aime bien visionner les folies de Maria Beatty qui s’inspire de l’expressionnisme allemand pour jouer avec les codes du BDSM et du fétichisme. »
Et les consommatrices couillues !
Mais ces hommes qui courbent doucement l’échine sont parfois surpris de se trouver nez à nez avec des femmes qui assument de plus en plus facilement leurs fantasmes et qui virent même un peu bonhomme… Marre d’être des poupées ! Notre lectrice Solange nous a prévenus d’emblée : « Dans ton article, là, évite juste de dire que les meufs aiment les scènes romantiques avec des faux sentiments mal joués, parce que tu seras loin de la vérité ! »
Maniant le feu et la glace, elle temporise ensuite : « Enfin, je veux dire, les filles sont des hommes comme les autres… On peut avoir envie de se faire attraper par les cheveux le lundi et de mater un porno soft avec son mec le mardi. »
À croire que les filles ont changé pendant que les hommes regardaient ailleurs… À moins qu’elles aient toujours ressenti ces envies et que maintenant elles peuvent enfin les assumer sur un pied plus égalitaire qu’auparavant. C’est l’impression qui se dégage du témoignage d’Isabelle, 24 ans : « Des potes m’ont fait découvrir le tube beeg.com, et on n’y trouve rien de très original, mais la qualité d’image est très bonne, et les séquences durent juste assez longtemps. Avec mon mec, on y a pris goût… Au début on ne se retrouvait pas sur les mêmes préférences. Lui, il est plutôt branché bisous les fesses et tout ça, alors que moi, je préfère les scénarios simples du genre “coucou, tu me défonces dans les toilettes, tu me jouis dessus et au revoir”. Il a fallu s’ajuster ! »
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