Les couples où la femme gagne plus sont plus susceptibles de se séparer
6 octobre 2024« Quand on aime on ne compte pas » pourtant l’argent est souvent synonyme de conflit notamment quand il redistribue les rôles au sein du ménage.
Selon une étude de l’Ined, menée à partir d’un échantillon regroupant des données de près d’un million de partenaires français et hétérosexuels entre janvier 2011 et janvier 2017, les couples où la femme gagne plus de 55 % des revenus sont plus susceptibles de se séparer. Le risque s’accroit de 11 à 40% par rapport aux ménages dont les revenus des partenaires sont égaux et augmente à mesure que la contribution financière de la femme s’élève. D’après l’étude ce risque accru de séparation s’observe à n’importe quel âge et peu importe la forme d’engagement (mariés, pacsés ou en couple). Et elle est d’autant plus importante pour les foyers dont les revenus sont les plus faibles. A titre d’exemple, lorsque l’homme gagne 2 000 euros par mois contre 3 000 pour sa femme, le risque d’une séparation augmente de 40 %. Quand il s’agit d’égalité homme – femmes, l’argent semble rester l’un des derniers tabous.
Des stéréotypes de genre qui ont la vie dure
Qu’elles soient assumées ou occultées, les différences de salaires entre hommes et femmes sont un sujet de société : à travail égal, salaire souvent inégal. Parmi les couples étudiés, les revenus les plus importants demeurent apportés par l’homme dans 49,3% des cas et 20,5% ont des revenus égaux. Les revenus du couple sont assurés entièrement par la femme dans seulement 13,7% des cas, contre 10 % dans les années 1980. Malgré une certaine progression, le chemin vers l’égalité est encore long. Une analyse du Pew Research Center démontre même qu’en 2022, les femmes gagnaient en moyenne 82% du salaire des hommes.
Vestiges d’une société au passé patriarcale, certains stéréotypes de genre persistent. Dans son rôle d’homme de la maison, l’homme se doit encore de subvenir aux besoins du ménage. La remise en cause de ce rôle traditionnel peut avoir un impact psychologique significatif sur les hommes. Certains ressentant alors une perte de repères ou une diminution de leur valeur personnelle. Une enquête, parue en 2013 dans la revue Personality and Social Psychology Bulletin et menée sur 200 000 couples danois (entre 1997 et 2006) révèle que les hommes souffrent davantage de troubles anxieux et de dysfonctionnements érectiles lorsque le salaire de leur compagne ou épouse est supérieur au leur.
L’équilibre des revenus est tout de même perçu de manière différente en fonction de la relation. Dans le mariage, l’apport prépondérant de l’homme est « stabilisateur », tandis que l’égalité entre les revenus remplit ce rôle chez les couples « en cohabitation ». Son influence se réduit chez les couples pacsés. Les auteurs estiment que dévier des normes et des schémas classiques du couple reste difficile même dans un pays comme la France où l’emploi féminin est très largement répandu et reconnu. Influencés par des modèles préétablis, les couples où la femme est la principale pourvoyeuse de revenus connaissent le plus fort taux de séparations.
En cas d’insatisfaction conjugale, les femmes pourraient plus facilement quitter leur mari car elles ont les capacités financières pour le faire. L’évolution des mentalités a permis aux femmes d’envisager des perspectives de carrière dont elles pouvaient à peine rêver auparavant. Cette hausse des risques de séparation n’est donc pas seulement liée à la frustration de certains hommes, c’est aussi parce que les femmes ont maintenant les moyens de prendre leur indépendance.
Vers un changement progressif des mentalités ?
Une étude menée par les sociologues américains Christine Schwartz et Pilar Gonalons-Pons démontre que les couples mariés entre la fin des années 1960 et 1970 ont 70% plus de chances de divorcer quand les femmes gagnent autant, ou un peu plus que leur partenaire. En comparant ces chiffres à ceux de l’Ined, on constate que la nouvelle génération est plus nuancée quant au rôle des hommes comme principale source de revenus.
L’étude pointe « l’émergence d’un nouvel équilibre égalitaire » notamment chez les couples les plus jeunes même si la logique de la femme principale pourvoyeuse de revenu dans le couple se traduisant par un plus grand risque de séparation s’y applique également. La raison de ce phénomène semble être autant liée à une question culturelle qu’économique, selon le professeur Schwartz. Le fait que les opportunités d’études et de carrière des femmes aient progressé a atténué le tabou autour des hommes aux revenus plus modestes que leur partenaire. La hausse des coûts de la vie a également contraint les couples à maximiser leurs revenus.
Pour Adrianne, une Parisienne de 26 ans travaillant dans l’hôtellerie la question financière ne s’est jamais posée avec son compagnon. En couple depuis 7 ans, elle gagne pourtant deux fois plus que son partenaire chauffeur livreur depuis le début de leur relation. « Pour moi c’est égoïste de penser que c’est à l’homme de subvenir aux besoins financiers, un couple se réalise davantage dans le partage. La question financière ne s’est jamais posée, il a toujours été content pour moi et au quotidien nous partageons les dépenses de façon équitable en fonction des ressources de chacun. » explique-t-elle. Son partenaire est, quant à lui du même avis : « Mon égo n’est pas assez gros pour que j’ai besoin de gagner plus qu’elle. On est une équipe et si un de nous gagne plus, ça fait de facto plus d’argent pour nous deux. »
Les couples égalitaires comme celui d’Adrianne et son copain sont nombreux. Parmi les mariages hétérosexuels, la part des femmes dont les revenus sont supérieurs à ceux de leurs conjoints a triplé ces 50 dernières années, passant de 5 à 16%, selon les données du Pew Research Center.
A lire aussi :
Hommes et femmes divorcent pour différentes raisons