Arabie Saoudite : l’application qui dérange
13 février 2019En Occident, les applications sont utilisées pour nous rendre la vie meilleure, pourtant en Arabie Saoudite une application toute particulière encourage la misogynie et le sexisme.
Si aujourd’hui en Arabie Saoudite les femmes peuvent conduire, elles doivent encore demander l’autorisation à leur mari pour avoir un passeport, ouvrir un compte bancaire, créer une entreprise mais aussi pour quitter le pays. Oui oui, en 2019.
Selon une du Forum économique mondial, l’Arabie Saoudite est l’un des pays les plus inégalitaires sur la question du genre au monde. Plus de mille femmes par an tentent de quitter le pays en quête de liberté. Un phénomène qui n’a pas échappé au gouvernement…
« Le prédicateur »
L’application Absher, qui signifie « prédicateur », a été développée en partenariat avec le gouvernement saoudien pour gérer certaines tâches administratives (payer une amende, renouveler son permis de conduire…). Plus surprenant encore, elle permet de garder un oeil sur les déplacements des Saoudiennes. Un Saoudien pourra surveiller sa femme, sa fille, ou n’importe quelle femme étant sous sa tutelle.
Pour fonctionner, l’application suit une procédure simple. Il suffit au tuteur d’enregistrer le numéro de passeport d’une femme pour être notifié par le ministère de l’Intérieur. Il sera immédiatement averti par SMS à chaque fois que sa femme se présentera dans un aéroport ou à une frontière pour quitter le pays. Il pourra ainsi approuver ou révoquer sa sortie du territoire en quelques clics.
Tous les détails des déplacements des femmes sont enregistrés sur l’application. Le tuteur peut avoir accès au numéro de vol, à la destination, et à la date de voyage correspondant aux déplacements de sa femme. Un mari dont la femme voyage recevra un texto du genre: « Sarah, numéro ***7698, a quitté l’aéroport King Abdulaziz le 12-11-2012. »
Le site du ministère de l’intérieur saoudien fait la promotion de l’application et le considère comme un nouveau système de surveillance qui permet de lutter contre les « fuites massives féminines ».
Google et Apple en ligne de mire
L’application aurait été téléchargée plus d’un million de fois sur le Play Store. Impossible de savoir pour Apple qui ne partage pas ses chiffres, mais sur l’App Store, il est possible de lire des commentaires comme : « Formidable moyen pour contrôler sa femme, simple de savoir où elle est et où elle est allée ».
Suite à l’enquête de , plusieurs associations humanitaires ont dénoncé ces pratiques et ont appelé Google et Apple à plus de responsabilité. C’est le cas de Human Rights Watch qui explique que : « Les applications comme Absher peuvent faciliter des abus au niveau des droits de l’Homme, notamment au niveau de la discrimination visant les femmes ».
Ron Wyden, un sénateur américain, a aux patrons de Google et de Apple pour leur demander le retrait immédiat d’Asher : « En autorisant cette application dans vos boutiques respectives, vos entreprises facilitent la tâche aux hommes saoudiens pour contrôler les membres de leurs familles depuis leurs smartphones et restreindre leurs mouvements ».
Même si quelques irréductibles parviennent à se cacher, la plupart des Saoudiennes qui fuient sont rattrapées par leur famille et subissent des sanctions extrêmement brutales. C’était récemment le cas de Rahaf Mohammed, une Saoudienne de 17 ans qui avait du demander l’asile car sa famille menaçait de la tuer « pour l’honneur » faute d’avoir suivi l’Islam.
(Photo à la Une : Getty Images)
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