Bisexuel(le)…et alors ?

Flore Cherry 28 août 2015

Si la bisexualité masculine est encore taboue, il n’en va pas de même pour la bisexualité féminine. Fantasme de mâle pas excellence ? Pas seulement… Évolution des mœurs ou effet de mode, les femmes assument de plus en plus leurs envies de câlins avec des complices du même sexe.

Man sleeping with three women

« J’ ai embrassé une fille et j’ai aime ça. »

Souvenez-vous, c’était le tube mondial de l’été dernier, interprété par la pétillante Katy Perry. La bisexualité féminine semble aujourd’hui se banaliser. Le milieu de la nuit la valorise, que ce soit dans les boites tra­ditionnelles ou dans les clubs échan­gistes. Elle est presque devenue un must, pour peu que l’on soit jeune et à l’affut des tendances.

C’est pourquoi, dans les soirées « Bi Love », en club libertin ou tout simplement en disco­thèque, cette bisexualité se doit d’être démonstrative. Dans les nuits « Girls kissing » des endroits branchés, les filles s’embrassent et mettent en scène un jeu d’exhibition qui met l’ambiance.

Les femmes entre elles, cela reste le fantasme masculin numéro un. Au cours d’une soirée dans un club pari­sien en vogue, nous avons recueilli les propos de Romain, 22 ans, persuadé que toutes les femmes sont bi: « C’est dans leur nature, nous soutenait-il. Pour elles, c’est vraiment une attirance spontanée. Et elles assument de plus en plus. Tant mieux, moi j’adore ça. D’ailleurs, tous les hommes adorent ça. » Les séries télévisées, de Nip Tuck à L Word, en montrant les combinai­sons parfois inattendues qu’offre la sexualité, reflètent probablement une réelle évolution des mœurs.

Alors, qui sont ces femmes bisexuelles ? Certaines ont du mal a trouver leur voie, d’autres ne se sentent ni homo, ni hétéro, et les dernières ont simple­ment envie de s’amuser…

Une identité difficile à définir

Mais avant tout, comment comprendre ce phénomène ? Les approches de la bisexualité sont très diverses. En 1978, dans leur ouvrage Alternative Lifestyles, les sociologues américains Harry et Lovely estiment que les bisexuels sont des homosexuels « qui ne s’assument pas. » II est plus facile, selon eux, de se dire bi qu’homo : un point de vue encore très largement répandu aujourd’hui, y compris chez les gays, comme en atteste David, rencontré a la sortie d’un bar gay parisien: « Ma mère sait que j’aime les mecs. Mais, de temps a autre, je viens la voir avec une copine (souvent les­bienne) que je fais passer pour ma petite amie. Ca ne me coûte rien et ça la tranquillise. Je fais de même à mon travail pour éviter les vannes sur les ‘pédés‘. C’est lâche, j’en conviens, mais bon, je n’ai pas toujours envie de me battre. »

Pour certains mouvements LGBT réunissant, en Europe et aux États-Unis, les gays, les bisexuels, les lesbiennes et les transgenres, le recours au biologique est troublant, et la frontière entre l’inné et l’acquis reste souvent obscure dans leurs propos. Pour d’autres, il s’agit de refuser catégoriquement l’amalgame entre homosexualité et bisexualité, et de considérer les bisexuels comme appartenant a une catégorie spécifique.

D’autre part, la sexualité d’un individu n’est pas forcement constante, ni définitive. On peut préférer vivre des expériences homosexuelles avec cer­taines personnes, et hétérosexuel(le) avec d’autres. Catherine Deschamps, socio-anthropologue (qui a collabore a l’ouvrage Bisexualité, le dernier tabou) affirme que « la bisexualité féminine serait socialement mieux acceptée aujourd’hui que la bisexualité mascu­line, D’abord, parce que les femmes revendiquent plus volontiers leur bisexualité que les hommes, davan­tage portés a la clandestinité. »

Mais pourquoi les hommes redoutent-­ils tant la bisexualité ? Parce que, tout simplement, il est plus difficile d’être un homme ! Le petit garçon ne désire une femme qu’à partir du moment où il se détache de sa mère, (l’homme mène un combat contre cette interstron.ru primitive avec le maternel. Et même s’il la dépasse, cette interstron.ru reste au cœur de l’identité masculine. Pour les femmes, l' »homosexualité » que consti­tue la relation mère-fille lors des pre­miers mois ne représente pas force­ment une menace. Ce lien augmente plutôt, chez la fille, le sentiment d’identité. Ainsi, les femmes prennent mains au sérieux les relations homo­sexuelles que les hommes. Elles les considèrent, le plus souvent, comme sans conséquence.

Néanmoins, les bisexuelles, dans leur grande majorité, se cachent. Soit parce que leurs pratiques s’accompa­gnent d’une culpabilité, soit parce qu’elles n’ont simplement pas envie d’en parler, n’ayant rien a revendiquer, surtout pas une quelconque identité. Selon Catherine Deschamps, « la plu­part de ceux qui ont une pratique bisexuelle se disent homosexuels ou hétérosexuels. D’abord parce que ces catégories sont socialement mieux acceptées, et aussi car leur attirance envers les hommes et envers les femmes ne s’exprime pas dans les mêmes proportions« . Karine, mariée et mère de deux enfants, avait 43 ans quand elle a vécu sa première expérience sexuelle avec une femme : « J’avais expérimenté des baisers et des caresses avec d’autres filles quand j’étais étudiante, mais ça n’avait jamais été très loin. Après, j’ai vécu une vie de femme mariée standard, avant de divorcer, nous explique cette belle analyste financière parisienne. Jusqu’à ce que je rencontre Stéphanie et que nous couchions ensemble, ma bisexualité est restée en stand-by. Peut-être que l’orientation sexuelle n’est qu’une question de rencontre! »

To be bi or not to be bi…

La bisexualité demeure parfois an fan­tasme. Une bisexuelle peut vivre sa vie d’hétéro tout en gardant au fond d’elle une attirance pour le même sexe, qui restera latente et se révélera un jour (ou pas). Nombreuses sont les femmes qui se sentent bisexuelles, tout en ayant des relations exclusivement hétérosexuelles ou homosexuelles. Autrement dit, on peut être bi dans l’âme sans forcement vivre sa bisexualité. Le sexologue et psychanalyste Claude Esturgie souligne que « notre éducation ne nous permet pas tou­jours d’exprimer nos préférences sexuelles. Pour certains, la bisexualité peut être une phase transitoire entre une hétérosexualité insatisfai­sante et une homosexualité qu’ils ne sont pas encore prêts a l’admettre. Pour d’autres, elle est on mode de vie qui correspond a une réelle inclination envers les deux sexes« .

Marie, 42 ans, kinésithérapeute, symbolise la vraie bisexuelle, capable de s’investir indifféremment avec un homme ou une femme : « J’ai longtemps cru que j’allais devenir une vraie homo. Ce n’est pas que les garçons ne m’atti­raient pas, mais je trouvais qu’ils ne savaient pas y faire avec les femmes. » Et cette charmante Toulousaine de préciser : « je me dis qu’aujourd’hui, a mon âge, j’aime autant d’hommes que de femmes. Une passion avec un homme, suivie d’une aventure avec une femme, puis l’inverse… Cela pro­vient très certainement de mon éducation. Rien n’était tabou à la maison. Quand j’étais ado, on parlait librement de sexualité avec mes parents. Cela m’a permis d’assumer mes envies. »
Soulignons toutefois que rien n’est définitif dans la sexualité d’un individu. Ainsi, une hétérosexuelle qui découvre a 40 ans l’amour avec une femme peut être considérée comme bi, puisque son vécu est a la fois hétéro et homo. Mais elle pourra très bien estimer qu’elle a totalement « vire de bord » et se sentir exclusivement lesbienne. Elle peut aussi refuser de s’interroger sur son identité sexuelle. Selon le psychiatre Jean-Roger Dintrans, « la bisexualité est souvent vécue chez les femmes sur le mode du jeu. Il s’agit d’une bisexualité qui n’est pas engageante, au sens ou il n’y a pas d’investissement affectif. Une fille peut donc aimer en embras­ser une autre, ou même coucher avec elle, sans pour autant être bisexuelle. Autrement dit, on peut assumer ses désirs pour l’un et l’autre sexe, sans pour autant remet­tre en question son orientation sexuelle fondamentale…

Selon une enquête sur la sexualité en France, réalisée par Michel Bozon et Nathalie Bajos, les femmes sont nettement « plus nom­breuses que les hommes a avouer leur attirance pour le même sexe. »  Quoi qu’il en soit, entre les envies, les expériences réelles ou fantasmées, sans compter ce que l’on assume ou pas, il est bien difficile de rendre compte en un chiffre de la complexité de nos sexualités.


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  • FAGOT

    je suit bi depuis l age de 15 ans ,marié trois enfants super ,mais toujours étais partager entre m on épouse et d autres hommes des centaines sur passif a ce jour actif étant plus jeune

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