L’IA peut-elle nous apprendre à mieux faire l’amour ?
1 mars 2025
Avec des promesses comme « rencontrez votre prochain coup de cœur » ou « obtenez la vie sexuelle dont vous avez toujours rêvé », les algorithmes s’invitent sous la couette. Et les engagements des intelligences artificielles dédiées à l’intimité et à la sexualité ont de quoi intriguer. De l’éducation sexuelle à l’exploration des fantasmes, en passant par le coaching amoureux et le soutien psychologique, les chatbots érotiques et les coachs sexuels virtuels s’imposent comme les nouveaux complices du désir. Replika, Blush, Slutbot, autant de noms qui, derrière leur apparence futuriste, promettent un plaisir augmenté, des conseils personnalisés et même des conversations érotiques interactives. Alors sommes-nous en train d’entrer dans une ère où les algorithmes connaissent mieux nos fantasmes que nous-mêmes ? On fait le point.
L’IA, sexothérapeute 2.0 ?
Considérée comme sujet tabou, l’éducation sexuelle a longtemps été reléguée aux manuels scolaires ou aux discussions embarrassées. Aujourd’hui, l’IA change la donne en offrant des informations précises et personnalisées. Des chatbots comme ChatGPT peuvent fournir des réponses claires sur des sujets tels que la contraception, l’avortement ou le consentement sexuel. Selon Laura Vowels, chercheuse à l’Université de Roehampton et psychothérapeute, « avec un chatbot comme ChatGPT, l’information est condensée, facile à lire et souvent aussi fiable, voire plus, que celle d’un médecin ».
Certaines applications s’imposent même comme des coachs sexuels personnalisés. Blush, par exemple, fonctionne comme un chatbot interactif qui propose des scénarios érotiques, des exercices de confiance en soi et des conseils pour mieux communiquer ses désirs. Slutbot, lui, mise sur des dialogues éducatifs et des mises en situation textuelles pour améliorer les discussions sur le consentement, le dirty talk et la connexion émotionnelle. Le but ? Rendre les utilisateurs plus à l’aise avec leur sexualité et leur permettre d’explorer leurs désirs sans pression sociale. Une sorte de manuel du Kamasutra intelligent, qui adapte ses conseils en fonction des préférences de son utilisateur.
Mais cette abondance d’informations soulève des questions. Les IA, bien que compétentes, peuvent parfois délivrer des renseignements erronés avec une certaine assurance. La chercheuse Laura Vowels le confirme : « que les informations données soient justes ou fausses, l’IA les donnera de manière très confiante ». Il est donc essentiel de croiser les sources et de ne pas prendre pour argent comptant tout ce que dit l’assistant virtuel. De plus, cette mine d’informations est parfois inaccessible. De nombreuses IA sont bridées par les entreprises qui les développent et refusent d’aborder certains sujets liés à la sexualité.
L’IA, un thérapeute sans jugement ?
Au-delà de l’éducation et de la simulation de rencontres, l’IA s’impose également comme un outil thérapeutique. Les chatbots offrent une écoute 24h/24, un anonymat total et une absence de jugement, des avantages non négligeables pour ceux qui hésitent à consulter un professionnel. Laura Vowels note que « beaucoup de patients et patientes disent qu’ils aimeraient avoir un ‘moi’ disponible entre deux séances. Une IA pourrait remplir ce rôle ».
Si les humains tâtonnent encore dans la communication intime, les intelligences artificielles, elles, ne laissent rien au hasard. Grâce à des milliards de données récoltées via les interactions des utilisateurs, ces IA sont capables de détecter des tendances, des préférences et même des blocages que l’on aurait du mal à formuler nous-mêmes. Beaucoup de couples peinent à verbaliser leurs désirs. En simulant des dialogues et des échanges, une IA peut entraîner les partenaires à exprimer leurs attentes sans gêne.
Cependant, la question de l’empathie reste centrale. Peut-on vraiment se confier à une machine ? Une étude récente publiée dans la revue américaine PLOS Mental Health révèle que ChatGPT est perçu comme un thérapeute de couple plus compétent que certains psychothérapeutes. Les participants ont jugé les réponses générées par l’IA plus utiles et plus empathiques que celles fournies par les professionnels humains sollicités pour l’étude. Par ailleurs, lors de l’expérience, ils ont eu du mal à différencier les conseils provenant d’un vrai thérapeute ou du chatbot.
L’étude menée par Dorian Hatch, de l’Ohio State University aux Etats-Unis, à laquelle a également participé Laura Vowels, de l’Université de Lausanne, ne fournit toutefois pas de preuves suffisantes pour démontrer que l’intelligence artificielle (IA) est réellement efficace dans le cadre d’un traitement thérapeutique. L’objectif n’est donc pas de remplacer les sexologues et thérapeutes humains, mais de créer un outil de soutien entre deux séances, pour accompagner les réflexions et les prises de conscience.
Des fantasmes sur mesure
L’IA ne se contente pas de discuter ou de conseiller, elle crée également. Des plateformes permettent désormais de générer du contenu érotique personnalisé, qu’il s’agisse de textes, d’images ou de vidéos. Certains sites permettent déjà de produire des scénarios pornographiques entièrement générés par des algorithmes. Si cela offre une alternative intéressante, notamment en évitant les problèmes de consentement liés à l’industrie pornographique traditionnelle, des dérives existent. Les « deepfakes » pornographiques, où des visages de personnes non consentantes sont insérés dans des contenus explicites, en sont un exemple préoccupant.
De plus, l’IA tend à reproduire et amplifier des stéréotypes de beauté irréalistes, générant des corps parfaits, des standards de beauté hypersexualisés et des situations idéalisées. Cela peut fausser les attentes et impacter négativement l’estime de soi des utilisateurs. Comme le souligne la psychologue Laura Vowels, « l’IA peut créer des corps irréels, des positions impossibles. Cela peut fausser les attentes ». Et gare à l’illusion du sexe parfait ! À force d’interagir avec une IA qui ne dit jamais non, ne ressent jamais de fatigue ou d’émotions, certains pourraient développer une vision idéalisée et irréaliste des relations sexuelles. Le sexe n’est pas un algorithme. C’est un échange, avec ses ajustements, ses imperfections et sa part de mystère.
L’intégration de l’IA dans notre vie intime soulève des questions éthiques et sociétales majeures. Si ces technologies offrent de nouvelles opportunités d’exploration et d’éducation, elles peuvent également encourager des comportements problématiques. Des rapports indiquent que certains utilisateurs développent des relations abusives avec leurs partenaires virtuels, pouvant refléter ou exacerber des tendances inquiétantes. Et si les IA peuvent aider à se sentir plus confiant, à explorer ses fantasmes et à améliorer sa communication dans le couple, elles ne remplaceront jamais la chaleur d’une main qui frôle la vôtre ou le frisson d’un premier baiser.
Alors, prêt à laisser une IA vous donner quelques leçons sous la couette… tout en conservant une touche humaine ?
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