La grande berce, un vrai aphrodisiaque
10 juillet 2017Drôle d’histoire que celle de la grande berce ! Connue pour ses propriétés aphrodisiaques, on a inventé en son honneur le premier désherbant au monde alors qu’elle a été cuisinée dans plusieurs pays à travers l’histoire. Pour rendre hommage à cette plante un peu oubliée à la douce saveur de mandarine, nous avons interrogé George Oxley qui accompagne les cultivateurs et les institutions pour une meilleure gestion de la biodiversité… De l’amour dans les plantes ? Mais oui !
Les effets aphrodisiaques de la grande berce sont-ils avérés ? Comment fonctionnent-ils ?
Il y a des aphrodisiaques qui excitent… Mais à mon goût, les vrais aphrodisiaques calment et mettent tous les sens au diapason, en éveil, de manière à profiter pleinement du plaisir, sans que l’un n’étouffe l’autre. La grande berce est de ceux-là, et il s’agit d’un aphrodisiaque aussi bien pour les hommes que pour les femmes. Cette plante relaxe les veines. C’est un vasorelaxant patenté par la science. La plante fraîche apporte un concentré de vitamines et de chlorophylle qui oxygène le corps immédiatement et ses qualités vasodilatatrices font affluer ces bienfaits du cerveau au sexe, à volonté. On se met à parler doucement, avec confiance, à ressentir et répondre aux réactions de l’autre par tous les pores de ses sens.
Comment bien différencier la grande berce de sa cousine la berce du Caucase ?
Au XVIIIe siècle, Carl von Linné a nommé cette plante Heracleum sphondylium, la colonne d’Hercule. Le Suédois est prude et austère. Pourtant la botanique est la science de l’observation du sexe des plantes. Personnellement je ne dis plus « allons botaniser », mais « allons botaniquer ». Bref, Linné a dédié cette plante à Hercule qui partait pour ses treizièmes travaux en emmenant sa femme qui se plaignait de ne jamais le voir. Devant traverser le Styx avec tout son barda, Hercule demanda au centaure Nessos de prendre sa femme sur sa croupe. Elle saisit l’occasion pour tester les sentiments d’Hercule et feignit le viol. Son homme décocha immédiatement une flèche, celle qu’il avait trempée dans le sang de l’Hydre, le monstre immortel qu’il tua lors de sa deuxième tâche. Nessos agonisant fit don à Déjanire, la femme d’Hercule, d’un peu de son sang contaminé, lui disant qu’au moindre doute sur la fidélité de son mari, en trempant sa chemise dans ce sang, elle serait fixée. Au moment de partir, Hercule enfila sa belle chemise rouge. Sa peau brûlait, il tenta de l’ôter et toutes ses chairs partirent avec la chemise, laissant sa colonne vertébrale drue, ses côtes nues, exactement à l’image d’une feuille de grande berce. Mais il ne faut pas confondre la grande berce avec la berce du Caucase : la grande berce est toujours poilue, tandis que la berce du Caucase est lisse et brillante. L’une mesure au maximum deux mètres, alors que l’autre dépasse les cinq mètres.
On aurait inventé le premier désherbant pour la grande berce ?
La reine Victoria trouvait que les pauvres mangeaient beaucoup trop de berces et qu’ils se reproduisaient de manière excessive. Elle a donc demandé aux chimistes d’y remédier. Les premiers herbicides furent inventés pour éradiquer cette plante avec laquelle se reproduisait la pauvreté. Cette éradication correspond exactement à la période d’introduction de la berce du Caucase en Angleterre, mais celle-ci est très toxique et elle vient de loin, probablement de la Transylvanie ou au-delà du Caucase, on ne sait pas vraiment. La berce du Caucase est une plante qui rend lubrique et photosensible. Quand on la consomme, la peau brûle au soleil… Au point de se réfugier dans un cercueil… Cela ne vous rappelle rien ? Bram Stoker a écrit Dracula comme si la berce du Caucase lui avait soufflé l’idée !
Comment la cuisiner ?
La berce est aussi appelée « barszcz » en polonais, et c’est avec elle que l’on fait le bortch, la soupe nationale connue de tous. Mais il n’est pas évident de garder un plat national aphrodisiaque lorsque l’on se fait envahir par ses voisins en permanence. La berce a vite été remplacée par la betterave, réputée pour calmer les ardeurs.
La berce a un goût très frais de mandarine associée à une carotte poivrée, mais bien sûr le goût évolue selon les terroirs. C’est aussi un standard de la cuisine iranienne qui est délicate et réputée en Orient. Là-bas, elle s’appelle « golpar » et elle est réservée au mariage et à la nuit la plus longue, le 21 décembre, la fête de Yalda. Les jeunes pousses, au printemps et en été, sont un délice en salade ou sautées à la plancha avec un peu d’huile d’olive et d’ail. Plus vous les récoltez, plus elles repoussent. On peut également utiliser les sommités fleuries qui donneront du goût à un agneau en cuisson lente ou en risotto. En hiver, les Iraniens utilisent la poudre de graines séchées, une épice subtile aux surprenantes notes d’agrume.
Goethe, le poète, disait qu’il fallait rechercher l’idée derrière chaque plante, mais ce que je vous ai transmis est infime comparé à la découverte que vous ferez au moment où vous la goûterez ! Car notre système digestif est un second cerveau, aussi gros que celui d’un chat. C’est lui qui vous transmettra vraiment toute la sensualité de cette plante que nous avons délaissée depuis bien trop longtemps !
Pour découvrir les travaux du biochimiste George Oxley et de ses collègues, rendez-vous sur : sossoil.com.