Loi Prostitution : Associations et travailleuses du sexe s’unissent contre la loi
10 septembre 2018Alors qu’en France la prostitution n’est pas illégale, la loi d’avril 2016 pénalisant les clients des travailleuses du sexe a, selon ses détracteurs, précarisé les prostituées.
Neuf associations, dont Médecins du Monde et le Syndicat du travail sexuel (), et cinq travailleuses du sexe ont déposé mercredi 5 septembre une au du Conseil d’État contre la loi prostitution. Selon ses partisans, la loi d’avril 2016 pénalisant les clients porte « gravement atteinte aux droits et libertés ».
Une loi liberticide
Pendant l’ère napoléonienne la France était le modèle d’une approche régulée de la prostitution. Aujourd’hui la loi de 2016 pourrait être anticonstitutionnelle car porterait « gravement atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ». Notamment « l’autonomie personnelle et la liberté sexuelle, le respect de la vie privée, la liberté contractuelle, la liberté d’entreprendre ainsi que le principe de nécessité et de proportionnalité des peines », estime Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Si la prostitution était reconnue comme un vrai travail, les prostituées accèderaient alors aux mêmes droits et aux mêmes protections sociales que tout salarié. Elles paieraient donc des impôts, et l’État pourrait percevoir des taxes, ce qui permettraient à ces femmes de cotiser pour une retraite.
Prostitution – Patrice Spinosi : "La pénalisation des clients précarise les prostitué(e)s"
L’avocat dépose un recours au contre la loi d’avril 2016 sur la prostitution. Interview exclusive >>
— Le Point ()
Une loi inefficace et précarisante
Son efficacité est remise en question. À l’image de l’enquête de la chercheuse Hélène Le Bail, chercheuse au CNRS, révélée au premier trimestre 2018 soulignait que la diminution du nombre de clients contraint les prostituées à baisser leurs tarifs et à se mettre en danger. La loi prévoit une amende pouvant aller jusqu’à 1.500 euros et 3.750 euros si récidive. Les clients sont donc moins nombreux cela en dépit du faible nombre de verbalisations. C’était l’objectif de la loi : lutter contre la prostitution en décourageant la demande. Avec la baisse de la demande, les prostituées de la rue font à la fois plus d’heures et bradent leurs prix pour compenser la perte de revenus. Cependant, l’effet est moins visible sur la prostitution qui passe par les annonces en ligne.
Aussi les demandes de rapports sans préservatif sont plus nombreuses et acceptées rapporte Hélène Le Bail, elle-même bénévole à Médecins du monde « Ces hypothèses se sont malheureusement confirmées. La réalité va même au-delà. »
Ainsi, le Conseil d’État dispose d’un délai de trois mois pour décider de transmettre ou non cette QPC au Conseil constitutionnel. S’ils sont saisis, auront également trois mois pour déclarer la loi conforme ou contraire à la Constitution.
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(Image à la une : Lors d’une manifestation de prostituées à Paris – AFP)