La limérence, quand l’amour dépasse les bornes
20 janvier 2025L’amour peut être enivrant, exaltant, et parfois quelque peu… déstabilisant. Mais que se passe-t-il lorsque ce sentiment tourne à l’obsession ? Les papillons dans le ventre virevoltent trop frénétiquement, les pensées incessantes tournées vers l’être aimé se bousculent et une peur irrationnelle de ne pas être aimé en retour sème le doute. Flirtons avec un phénomène méconnu mais bien réel : la limérence. Cet état psychologique brouille la frontière entre passion amoureuse et dépendance maladive. Découverte et théorisée pour la première fois par la psychologue Dorothy Tennov dans les années 1970, le trouble se caractérise par une obsession romantique si intense qu’elle peut rappeler des troubles obsessionnels compulsifs ou même des addictions. Entre amour et obsession, ce sentiment peut devenir un véritable poison émotionnel. Alors, prêt à plonger dans les méandres de l’esprit humain ?
Entre passion et dépendance
Selon les psychologues Albert Wakin et Duyen Vo, la limérence s’apparente davantage à une addiction qu’à un sentiment amoureux. Elle se manifeste par des pensées intrusives, une fixation émotionnelle sur un individu spécifique (appelé « objet de Limérence ») et un besoin irrépressible de réciprocité. Les manifestations, physiques et psychologiques, ressemblent à s’y méprendre aux symptômes des troubles obsessionnels compulsifs (TOCs) et des addictions à des substances comme l’alcool ou les drogues. Les symptômes caractéristiques sont :
- Des pensées intrusives et obsessionnelles : la personne « malade » pense en permanence à l’être aimé, qu’elle idéalise souvent.
- Des peurs irrationnelles : la crainte d’un amour unilatéral ou d’un rejet devient omniprésente, renforçant l’état d’anxiété.
- La recherche constante de réciprocité : le désir d’être aimé autant qu’on aime devient une obsession impossible à satisfaire.
- Une dépendance émotionnelle : un besoin insatiable de validation et d’affection de la part de l’autre. Sa vie tourne exclusivement autour de l’objet de Limérence, sans quoi le vide est insupportable.
- Des comportements compulsifs et des réactions disproportionnées : Vérification obsessionnelle des messages, surveillance sur les réseaux sociaux ou recherche constante de signes d’amour. Tout peut prendre des proportions énormes, qu’il s’agisse d’un message, d’un regard ou d’un silence.
En sommes, c’est un TOC du cœur : une boucle obsessionnelle incontrôlable et envahissante.
Limérence VS amour
Au premier abord, la limérence ressemble beaucoup aux débuts d’une romance passionnée. Les premiers jours d’un amour naissant sont souvent marqués par des comportements similaires : on pense constamment à l’autre, on surinterprète chaque geste, chaque mot, et on vit dans une excitation fébrile.
Mais il y a une différence cruciale : dans un amour « sain », ces symptômes s’atténuent avec le temps. Lorsqu’ils persistent, voire s’intensifient sur des années, ils transforment la relation en une obsession malsaine. Là où l’amour cherche un équilibre et l’épanouissement mutuel, la limérence bascule dans un déséquilibre émotionnel où l’objet de désir devient une drogue. Les sentiments prennent des proportions démesurées et deviennent intrusifs.
Si l’amour est un art, cet état est une prison. Ce trouble emprisonne l’esprit et altère le comportement de ceux qui en souffrent. La personne est constamment sur les nerfs, oscillant entre euphorie et angoisse. Toute l’énergie est centrée sur l’objet de Limérence, au détriment des autres relations, provoquant un isolement social. Le limérant néglige ses amis, sa famille et ses activités pour se concentrer uniquement sur l' »objet ». L’obsession constante et le besoin insatisfait de réciprocité sont émotionnellement épuisants. Et le besoin de validation externe détruit peu à peu l’estime de soi.
Sortir de la spirale
Cet état obsessionnel n’apparaît pas par hasard. Selon les experts, ses origines se retrouvent souvent dans l’enfance, marquée par le manque. Un parent absent ou peu affectueux peut laisser une empreinte durable, créant un besoin inconditionnel d’amour à l’âge adulte. Une estime de soi fragile peut aussi pousser une personne à chercher une validation excessive dans ses relations amoureuses. L’amour devient alors un moyen de se valoriser, une béquille pour combler un vide intérieur. À l’âge adulte, ces blessures non résolues se traduisent par une quête d’amour inconditionnel et une dépendance affective… jusqu’à la perte de soi.
Heureusement, il est possible de surmonter la Limérence avec du temps, de l’aide et du soutien. Mais cela exige un travail sur soi. Voici quelques pistes :
- Reconnaître le problème et prendre du recul : identifier la nature obsessionnelle des sentiments est un essentiel. Accepter que cette obsession dépasse les limites d’un amour sain est le premier pas.
- Consulter un professionnel : une thérapie cognitive et comportementale (TCC) peut aider à gérer les pensées intrusives, comprendre les origines de cette dépendance et à rétablir une vie émotionnelle équilibrée.
- Renforcer l’estime de soi : travailler sur ses propres insécurités est crucial pour ne plus dépendre excessivement de l’amour des autres. Cultiver sa propre valeur est essentiel pour briser le cycle.
- Se fixer des limites : Éviter de tomber dans les comportements compulsifs (comme l’hyper-vérification des messages) peut réduire progressivement la prise de ce trouble.
La limérence est une preuve que l’amour peut parfois flirter dangereusement avec l’obsession. Bien qu’elle puisse paraître romantique à première vue, ses effets à long terme sont souvent destructeurs. C’est une véritable cage dorée qui peut asphyxier les relations et la santé mentale. Avec de l’aide, il est possible de transformer une obsession toxique en une relation saine et équilibrée. Alors, la prochaine fois que vous vous sentirez dévoré par une passion envahissante, posez-vous cette question : Est-ce de l’amour… ou de la limérence ?
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