La Russie paie 900€ les femmes pour faire des bébés !
19 janvier 2025Face à une crise démographique sans précédent, le Kremlin sort le carnet de chèque. La Russie mise sur les étudiantes pour relever la courbe démographique : Bébé, diplôme et 896 euros à la clé ! Cette stratégie, aussi surprenante que controversée, est destinée à pallier la chute des naissances, exacerbées par la guerre en Ukraine et les difficultés économiques. L’initiative fait grand bruit et soulève des questions sur les priorités sociales et économiques du pays. On fait le point.
La maternité monétisée
Dans le cadre de cette nouvelle politique, les étudiantes russes qui donnent naissance à un enfant peuvent bénéficier d’une prime de 100 000 roubles, soit l’équivalent de 896 euros environ. L’objectif est d’encourager les jeunes femmes à contribuer au repeuplement du pays, particulièrement touché par un déficit de naissances. Ce « bonus bébé » s’inscrit dans un programme plus large visant à stimuler la natalité. Conjointement, les allocations de maternité sont augmentées pour l’année 2025. La prime pour le premier enfant passe de 630 400 roubles (soit 5 669 euros) en 2024 à 670 000 roubles (soit 6 025 euros). Pour un deuxième enfant, la prime grimpe de 833.000 roubles en 2024 (7.491 euros) à 894.000 roubles en 2025 (8.039 euros).
Sur le papier, ces chiffres donnent l’impression d’une politique généreuse. Mais les critiques vont bon train. La nouvelle prime pour les étudiantes est soumise à des conditions strictes. En Carélie par exemple, les bénéficiaires doivent être étudiantes à plein temps, avoir moins de 25 ans et résider dans la région. Ces conditions strictes en limitent grandement l’accès. Les mesures mises en place semblent pour beaucoup, insuffisantes face au contexte démographique alarmant. Les statistiques sont d’ailleurs sans appel : en 2024 , seulement 599.600 enfants sont nés en Russie au cours des six premiers mois de l’année, soit une baisse de 16.000 naissances par rapport à la même période en 2023. Ce chiffre est le plus bas depuis 25 ans, une situation que Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, qualifie de « catastrophique pour l’avenir de la nation ». Entre les pertes humaines importantes liées au conflit ukrainien et l’exode massif des jeunes générations, la Russie cherche désespérément à remplir ses berceaux. Mais à quel prix ?
Des bébés à tout prix ?
Si l’idée d’une incitation financière peut sembler séduisante, le texte de loi laisse plusieurs zones d’ombre préoccupantes :
- Les enfants morts-nés ou décédés prématurément : La prime n’est pas versée en cas de naissance sans vie, et les conditions en cas de décès postnatal restent floues.
- Les enfants porteurs de handicap : Aucune mention explicite de primes supplémentaires ou de soutien pour les familles concernées.
Ces omissions mettent en lumière une vision que certains jugent « court-termiste » et insuffisant pour répondre aux défis sociaux profonds auxquels les mères russes sont confrontées. Ces restrictions font grincer des dents et beaucoup dénoncent une approche purement comptable, qui ne prend pas en compte la complexité de la maternité.
Selon Viatcheslav Shiryaev, journaliste et analyste économique, cette politique risque d’attirer les populations les plus marginalisées , notamment les jeunes femmes en situation de précarité ou ayant des problèmes de toxicomanie. Il craint que cela ne crée des situations familiales instables, avec des répercussions négatives pour les enfants. Pour d’autres, cette initiative illustre une approche désespérée, déconnectée des vrais besoins des familles. Avec 896 euros pour un enfant, difficile de convaincre celles qui jonglent déjà entre études et précarité. Et pourquoi investir dans des primes ponctuelles alors que des solutions structurelles, comme l’amélioration des infrastructures de santé, des garderies accessibles et des politiques familiales solides, pourraient avoir un impact plus durable ?
La maternité, une mission patriotique
Derrière cette mesure, se cache aussi une vision idéologique. Faire des enfants devient un acte politique et patriotique, présenté comme une contribution au redressement de la Russie. Une approche qui rappelle certains programmes natalistes d’autres époques, où les mères étaient célébrées comme des héroïnes nationales. Pour autant, transformer les berceaux en bastions de la nation n’est pas sans danger.
Les jeunes femmes, déjà confrontées aux défis de la vie étudiante, pourraient se retrouver prises dans une double pression : celle d’élever un enfant tout en poursuivant leurs études. Et au lieu de créer des conditions favorables pour les familles, la Russie mise sur une carotte financière. L’idée peut paraître séduisante à court terme, mais à long terme, elle semble ignorer des enjeux plus profonds. Il n’est aucunement fait mention d’améliorer la protection sociale, de garantir un soutien psychologique et éducatif pour les enfants, ou d’assurer des opportunités économiques pour les jeunes mères.
Cette politique nataliste relance le débat sur le rôle de l’État dans la vie familiale. Si certains saluent une mesure nécessaire face à une crise démographique inédite, d’autres y voient une solution simpliste à un problème complexe. Les étudiantes russes se retrouvent au cœur d’une étrange équation, où amour, patriotisme et économie se mêlent. Cette mesure met en lumière un problème démographique critique et soulève nombre de question quant à son efficacité et ses conséquences. Quoi qu’il en soit, les Russes sont invités à passer à l’action… au sens propre du terme. Après tout, chaque bébé compte pour l’avenir de la nation. Mais à 896 euros l’unité, la question reste ouverte : est-ce suffisant pour repeupler un pays en crise ?
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