Les crevettes font une grève de sexe !

Gwendoline Casamata 27 janvier 2025

Il fut un temps où les gammares, ces petits crustacés d’eau douce ressemblant à des crevettes, vivaient dans les rivières et les fleuves, des idylles dignes des plus belles romances aquatiques. Mais aujourd’hui, leurs histoires d’amour sont mises à mal par un ennemi insidieux : le plastique. Les additifs plastiques envahissent leur habitat et chamboulent leur libido. Et pour certains, la grève de sexe est déclarée ! Alors, que se passe-t-il exactement ? On fait le point sur ce drame écologique aux allures de comédie romantique… en plein naufrage.

Petites crevettes, gros problème

Autrefois insouciants et toujours prêts à convoler, les gammares, ou Echinogammarus marinus pour les intimes, voient désormais leur libido fondre comme neige au soleil. Une étude récente, publiée dans la revue Environmental Pollution par des chercheurs de l’Université de Portsmouth, révèle que l’exposition aux additifs plastiques perturbe gravement leur comportement sexuel : perte de désir, baisse de fertilité et un taux de séparation en hausse. Un vrai feuilleton aquatique… version toxique.

Ces petits crustacés, pourtant peu exigeants, ont un mode de vie plutôt bien rodé. Ils s’accouplent en formant des couples précopulatoires, sorte de phase de fiançailles aquatiques, avant de passer aux choses sérieuses. Mais les substances chimiques issues des plastiques, omniprésentes dans leur environnement, viennent briser leur routine amoureuse.

Quand la pollution casse l’ambiance

Les scientifiques ont mené une expérience sur 20 de ces petits crustacés en les plongeant dans un bain bien particulier, agrémenté de substances chimiques issues des plastiques du quotidien :

  • Les phtalates, présents dans les jouets, les emballages alimentaires et le matériel médical.
  • Le phosphate de triphényle (TPHP), retardateur de flamme utilisé dans le vernis à ongles et l’électronique.
  • Le N-butyl benzènesulfonamide (NBBS), que l’on retrouve dans le nylon et les ustensiles de cuisine.

Produits en nombre, ces additifs plastiques finissent dans les mers, les océans et les cours d’eau. Résultat ? Une catastrophe romantique. Exposés pendant quatre jours à ces produits chimiques, les petits gammares ont vu leur vie de couple prendre un sérieux coup dans les branchies. Après seulement une heure d’exposition, les premiers signes de troubles sont apparus :

  • Une chute de 60 % du nombre de spermatozoïdes, de quoi sérieusement compliquer les projets de bébé-crevettes.
  • Un désintérêt total pour l’accouplement, brisant ainsi le cœur et l’avenir de leur partenaire.
  • Un succès de réappariement en chute libre ou un véritable « coup de foudre » chimique inversé : les partenaires se quittent et peinent à se retrouver, ou pire, ne veulent plus entendre parler de romance du tout. Dans les groupes exposés aux produits chimiques, le succès de réappariement varie entre 0 % et 85 %, contre un score éclatant de 75 % à 100 % chez les gammares non exposés.

Moins de plastique, plus de romance

Au-delà de l’anecdote aquatique, cette désaffection amoureuse a des implications plus larges. Alex Ford, professeur à l’Institut des sciences marines de Portsmouth, tire la sonnette d’alarme : « Ces animaux jouent un rôle crucial dans l’écosystème aquatique. Leur disparition aurait un effet domino sur toute la chaîne alimentaire. » Les gammares sont une espèce clé dans l’écosystème aquatique : elles constituent un mets de choix pour les poissons et les oiseaux, et leur rôle dans la chaîne alimentaire est essentiel. Si leur population diminue en raison de ces problèmes de fertilité, c’est tout l’écosystème qui risque de vaciller. Pas de gammares, pas de festin.

Et ce n’est pas près de s’arranger… D’après une étude suédoise de 2022, la production de produits chimiques a été multipliée par 50 depuis 1950, et elle pourrait encore tripler d’ici 2050. Aujourd’hui, plus de 350 000 types de produits chimiques différents polluent nos écosystèmes. Les plastiques perturbateurs endocriniens n’épargnent personne, pas même les plus petites créatures de nos rivières. Face à cette menace invisible mais omniprésente, des solutions existent pour tenter de préserver la vie aquatique et l’équilibre fragile des rivières.

Il est temps de repenser notre consommation de plastique et d’opter pour des produits sans phtalates. Privilégier les alternatives durables et développer des réglementations plus strictes, afin d’encadrer l’utilisation de certains additifs plastiques les plus nocifs, comme l’ont fait certaines législations européennes, sont autant de moyens pour redonner à ces petits crustacés le goût de l’amour… et assurer leur survie. Il est également important de sensibiliser sur les effets méconnus de la pollution chimique, pour que chacun prenne conscience des répercussions insoupçonnées de nos habitudes de consommation.

Les histoires d’amour ne devraient pas se terminer à cause d’une pollution insidieuse. Les additifs plastiques infiltrent l’intimité des gammares, les privant de leur désir et, à terme, de leur survie. Alors prêt à aider les gammares à retrouver l’amour en consommant plus durable ? Après tout l’amour est trop précieux pour être gâché par un bout de plastique !

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