Le troisième sexe de la souris naine d’Afrique

Gwendoline Casamata 14 décembre 2024

A première vue, la souris naine d’Afrique (Mus minutoides) pourrait passer inaperçue. Ce petit rongeur, pas plus grand qu’un pouce, vivant dans les plaines d’Afrique, semble n’être qu’un mammifère ordinaire. Mais sous ses poils soyeux, se cache une singularité scientifique fascinante : cette espèce a inventé… un troisième sexe ! Chez ces petites habitantes des savanes africaines, certaines femelles possèdent un chromosome Y, d’ordinaire typiquement masculin. Partons à la rencontre de ces héroïnes improbables de la génétique évolutive : les super-femelles X*Y.

Quand la nature déjoue les règles

Chez la plupart des mammifères, la règle est simple : les mâles ont des chromosomes sexuels XY et les femelles ont des chromosomes XX. Le chromosome Y, ce petit morceau d’ADN qui contient le gène SRY, est traditionnellement l’élément déclencheur de la masculinité. En orientant le développement des organes sexuels il fait pencher la balance du côté masculin. Mais la souris naine d’Afrique ne joue pas selon ces règles.

Frédéric Veyrunes, généticien et chercheur au CNRS, a mis en lumière une découverte stupéfiante : les trois quarts des femelles de cette espèce sont dotées d’un chromosome Y. Ces femelles XY, qui devraient en théorie être mâles, ne le sont pas. Pourquoi ? La clé réside dans une mutation énigmatique sur leur chromosome X, appelé « X* ».

Ces femelles présentent des caractéristiques étonnantes : Elles restent biologiquement femelles et sont parfaitement fertiles, contrairement aux rares femelles XY des autres espèces de mammifères, qui sont stériles.

Les X*Y, des super-femelles

Pour la souris naine d’Afrique, cette mutation semble neutraliser l’effet de la protéine SRY, empêchant l’embryon de suivre la voie mâle. Résultat : un organisme féminin capable de maintenir des fonctions reproductrices malgré sa constitution génétique inhabituelle.

Loin de faire figuration, le chromosome Y laisse une empreinte comportementale chez les femelles X*Y, les transformant en véritables hybrides. Ces femelles possèdent des caractéristiques qui combinent le meilleur des deux sexes :

  • Une fertilité boostée : Elles ovulent plus que leurs homologues XX et, malgré un quart d’embryons YY non viables, elles compensent par un meilleur succès reproductif.
  • Des comportements masculins : Elles sont plus agressives, explorent davantage leur environnement et montrent une force de morsure équivalente à celle des mâles.
  • De meilleurs soins parentaux : En dépit de leurs airs de guerrières, elles sont des mamans exemplaires, surpassant même les femelles XX dans leur attention aux petits.

En résumé, les X*Y combinent la férocité du mâle et le dévouement maternel, formant une sorte de troisième sexe unique dans le règne animal.

Une révolution biologique

Les femelles X*Y de la souris naine d’Afrique ne sont pas seulement des curiosités génétiques. Elles représentent un modèle d’adaptation et d’innovation biologique qui intrigue les scientifiques. Pourquoi cette mutation a-t-elle persisté dans l’évolution de l’espèce ? Probablement parce qu’elle offre un avantage reproductif indéniable.

Cela soulève aussi des questions sur le rôle des chromosomes sexuels chez les mammifères. Le modèle XY/XX, que l’on pensait universel, n’est pas immuable. Chez l’homme, les rares individus XY féminins sont stériles. Alors, pourquoi la souris naine d’Afrique a-t-elle réussi là où d’autres ont échoué ? C’est un mystère que les chercheurs, tels que Frédéric Veyrunes, tentent encore de percer. Le cas de la Mus minutoides bouscule les idées préconçues sur la biologie des sexes et remet en question les frontières nettes entre mâle et femelle.

La souris naine d’Afrique, nous rappelle que la nature est bien plus inventive que ce que nous pouvons imaginer. Les femelles X*Y défient les normes et redéfinissent les frontières du possible en biologie. Petit rongeur, grande leçon.

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