Le poil, c’est bien ou c’est pubien ?

La rédaction 16 juin 2025

Entre stigmatisation et fétichisation, libération et faits méconnus : zoom sur le poil pubien chez la femme !

Épilation intégrale ou buisson rebelle ? Le poil pubien, relégué au rang d’indésirable dans les centres esthétiques, repousse pourtant dans les fantasmes comme dans les conversations. Plus qu’une question d’hygiène, il devient un symbole de liberté, d’identité… voire un objet de fétichisme. Décryptage d’un retour à la racine.

Quand la toison intrigue, excite ou rassure

« Quand j’étais ado, je pensais que les femmes n’avaient pas de poils. , et tout était lisse, comme retouché. La première fois que j’ai vu un vrai pubis non épilé, j’ai été surpris… et un peu fasciné. » Romain, 33 ans, se souvient avec précision de ce moment. Aujourd’hui, il dit préférer les corps naturels, « où il y a quelque chose à explorer ».

Ce genre de témoignage est de plus en plus fréquent. Si l’épilation intégrale reste dominante dans les médias et la pornographie, une partie des partenaires, surtout hétérosexuels, avoue trouver les poils pubiens étonnamment excitants. Non pas par nostalgie des années 70, mais pour ce qu’ils évoquent : le réel, le vécu, la chair.

« Je ne dirais pas que c’est un fétiche, nuance Camille, 38 ans, mais j’ai toujours été plus attirée par les gens qui assument leur corps tel qu’il est. Et souvent, ça passe aussi par les poils. » Elle se souvient de l’une de ses premières expériences sexuelles avec une fille “entièrement naturelle”, qu’elle décrit comme “libératrice, rien à cacher, rien à polir”.

Le fétichisme des poils – ou trichophilie – reste rare, mais bien présent. Selon une étude de 2007 menée par Carlo Scorolli et Stefano Ghirlanda (Relative prevalence of different fetishes), moins de 1 % des discussions fétichistes sur les forums en ligne concernaient spécifiquement les poils corporels. Cela reste bien inférieur aux fétiches plus répandus (pieds, cuir, sous-vêtements), mais cette minorité est passionnée, voire militante.

Une libération en surface, mais pas dans l’intimité

« On a commencé à s’y intéresser fin 2019, juste avant le confinement », expliquent Léa Taieb et Juliette Lenrouilly, autrices du livre Parlons peu, parlons poil. « À ce moment-là, les poils ont commencé à réapparaître dans la pub (H&M, Nike, la marque Billie), les clips (Angèle) et sur les réseaux sociaux via des posts bodypositifs où l’on voyait des poils assumés, pailletés ou même teints. En tant que femme, on n’avait jamais vu ça : pourquoi soudain, ils sont partout ? Parce qu’on avait besoin d’en parler. »

Ce retour des poils correspond à une visibilité nouvelle dans l’espace public. Mais l’intimité, elle, reste souvent marquée par des jugements plus tenaces.

« Il y a une libération dans l’espace public, mais dans l’intimité, c’est une autre histoire. Les femmes non épilées doivent souvent affronter le regard de leurs proches, de leurs partenaires ou même des passants, soulignent-elles. On est plus libres, mais on reste jugées. »

Le phénomène du tout ou rien est révélateur : soit on assume tout, soit on supprime tout. « Cela dépend beaucoup de la bulle dans laquelle on évolue : une femme entourée de contenus féministes n’aura pas le même rapport à ses poils qu’une autre abreuvée d’injonctions plus traditionnelles. C’est aussi très sociologique : les femmes qui ne s’épilent pas sont majoritairement urbaines, diplômées, appartenant aux CSP+. »

Ce changement de regard sur la pilosité touche de plus en plus les jeunes femmes. « Je suis étudiante et je m’épile de moins en moins. Avant, je le faisais par réflexe, parce que tout le monde le fait. Puis j’ai arrêté un été, et j’ai découvert que je me sentais mieux, moins irritée, plus libre », raconte Sofia, 23 ans.

Elle dit avoir reçu des remarques, mais aussi des compliments. « Un partenaire m’a dit que c’était la première fois qu’il osait vraiment me respirer. C’était fou. »

Selon une étude IFOP de 2021, 28 % des femmes françaises déclarent ne plus s’épiler du tout le pubis – elles étaient 15 % seulement en 2013. L’épilation intégrale reste très répandue, mais la diversité des pratiques est en nette progression.

Des risques sanitaires peu connus

Mais le poil pubien n’est pas seulement une affaire d’esthétique ou d’érotisme. Il joue un rôle biologique non négligeable. Le docteur Gérald Kierzek, médecin urgentiste, le rappelle : « Le rôle des poils pubiens est plus important chez la femme que chez l’homme. Chez l’homme, il n’y a pas de muqueuse exposée, mais chez la femme, les risques d’infection sont plus forts. En particulier concernant les cystites. »

Le poil agit comme barrière naturelle contre les bactéries et les frottements. L’épilation, surtout lorsqu’elle est agressive, peut provoquer des microtraumatismes cutanés. « Le principal problème du rasage ou de l’arrachage du poil, c’est qu’ils créent des portes d’entrée pour les virus et bactéries. Cela peut provoquer des infections locales, voire des abcès. »

Il recommande une épilation raisonnée, sans excès de zèle. « Le poil pubien doit s’accompagner d’une hygiène intime raisonnable, comme la barbe chez l’homme. Mais attention à ne pas trop laver non plus : la flore génitale est fragile. » Quant à la coupe d’entretien ? « Il n’y a rien de mal à faire régulièrement une petite coupe, comme pour les cheveux. »

Le poil, entre érotisme et pouvoir

« Oui, le poil est érotique. Et c’est bien pour ça qu’il gêne », observent Léa Taieb et Juliette Lenrouilly. « Historiquement, les poils étaient évacués des représentations du nu parce qu’ils renvoient à la puberté, à la sexualité, au sauvage. Quand Courbet a peint L’Origine du monde, ce n’était pas la nudité du sexe qui a choqué, mais la présence des poils. »

Dans la pornographie, le poil perturbe la fonction scopique, il empêche de voir.« On a donc dressé les corps féminins à être lisses, pour plaire et pour dominer», analysent-elles. Pourtant, le poil a aussi un rôle sensoriel et érotique, notamment via les phéromones. « Certaines femmes se sentent plus libres sans poils, d’autres au contraire y trouvent une forme de puissance sexuelle. L’essentiel est de pouvoir choisir. »

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