« Certains patients ne connaissent pas du tout leur corps »
23 juillet 2015Nous avons posé trois questions à Andréa Sadoun, sexothérapeute à Paris. Un entretien éclairant et honnête qui redonne sa place au porno et rappelle même l’importance du bassin!
Vos patientes et vos patients connaissent-ils bien leur propre anatomie ?
Il y a énormément de méconnaissance, surtout chez celles et ceux qui présentent déjà des dysfonctions sexuelles. Ces patients ne connaissent pas du tout leur corps. Je commence donc par le leur faire découvrir en les présentant à un miroir par exemple. Nous utilisons également des planches anatomiques. Ensuite, je leur conseille de toucher leur corps pour qu’ils reprennent contact avec leurs sensations. Il y a toute une rééducation sexuelle à faire parfois. On constate aussi des lacunes récurrentes dans la connaissance du rôle que peuvent jouer les mouvements du bassin, la musculation du périnée et la respiration. Par ailleurs, ceux qui jugent de leur propre anatomie et de leurs performances à l’aune de ce qu’ils trouvent dans les films X arrivent parfois avec des idées un peu confuses.
La problématique a-t-elle évolué au cours de votre carrière ? Quelle est la tendance ?
Globalement les trentenaires sont mieux informés qu’avant grâce au web et aux médias. À leur façon, les sites pornographiques contribuent également à l’éducation sexuelle. Disons que cela leur donne une première idée qu’il n’y avait pas toujours auparavant. Des séries comme Masters of sex sont extrêmement bien faites, mais, à côté de ça, j’ai déjà récupéré des patientes qui avaient été très mal conseillées par certains confrères qui se contentaient de leur donner des livres à lire ! Parallèlement à cette connaissance quelque peu accrue au cours des dernières années, on voit aussi apparaître des phénomènes étranges, comme ces femmes qui ont développé des attitudes sexuelles traditionnellement masculines et qui engendrent parfois des difficultés. Par exemple, certaines jeunes femmes ont appris à jouir « comme des hommes », c’est-à-dire de façon très rapide. Malheureusement, cela les mène parfois à des syndromes tels que l’anorgasmie et une rééducation doit ensuite être mise en place. Le travail d’augmentation du potentiel orgasmique est toujours le même et peut être effectué chez chacun ou chacune. À ce titre, l’enrichissement de l’imaginaire érotique est central et chaque personne à son propre fonctionnement, ce qui vaut aussi pour le ou la partenaire du patient que j’essaye souvent de rencontrer dans le cadre d’une sexothérapie. Certains sont maladroits ou pressés et le problème peut aussi venir de là. J’ai aussi remarqué que les plus jeunes étaient trop versés dans le contrôle et avaient du mal à entrer dans le lâcher-prise. C’est capital pour évacuer les pensées parasites.
Qui pousse le plus la porte de votre cabinet ? Les hommes ou les femmes.
J’ai toujours eu beaucoup plus d’hommes ! Ils rencontrent plus de problèmes physiologiques : l’érection, l’éjaculation précoce, le syndrome de désir hypo-actif… La dépression et le stress sont fréquemment en cause. Je vois aussi de nombreux phobiques et maniaco-dépressif. La maladie impacte fortement leur sexualité. Avec les hommes, je dois instaurer une relation de confiance pour pouvoir avancer, mais très rapidement, ils effectuent leurs exercices avec un certain humour et une grande aisance. Quand il y a un problème, il ne faut pas hésiter à venir nous voir, nous sommes là pour ça !