Une patiente atteinte du VIH en voie de guérison
1 février 2025
C’est une nouvelle qui donne de l’espoir à des millions de personnes dans le monde : une patiente suivie à l’Hôpital Sainte-Marguerite de Marseille montre des signes de guérison fonctionnelle du VIH, faisant d’elle le premier cas en France et le huitième dans le monde. Un tournant dans la lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine, même si cette guérison reste exceptionnelle et ne peut être généralisée à tous les patients. On fait le point.
Une histoire médicale hors du commun
Diagnostiqué séropositive en 1999, cette patiente, aujourd’hui sexagénaire, a suivi un traitement antirétroviral pendant plusieurs années, permettant de rendre sa charge virale « indétectable » à partir de 2010. Mais une charge virale indétectable ne signifie pas guérison. Si le VIH est souvent maintenu sous contrôle grâce aux traitements antirétroviraux, il reste tapi dans l’organisme sous forme de « réservoirs viraux », prêt à ressurgir dès l’arrêt du traitement.
C’est en 2020, à la suite d’une leucémie myéloïde aiguë, une forme agressive de cancer du sang, qu’elle subit une greffe de moelle osseuse, réalisée à l’Institut Paoli-Calmettes de Marseille. Et la magie opère : le donneur porte alors une mutation génétique rare, appelée Delta 32 sur le gène CCR5, une mutation qui empêche le VIH d’infecter les cellules immunitaires.
Le récepteur CCR5 est une sorte de porte d’entrée pour le virus du VIH dans les cellules. Certains individus, porteurs de la mutation Delta 32, possèdent une version de ce gène qui verrouille directement la porte, rendant leur organisme résistant au virus. Lors de la greffe de moelle, les cellules immunitaires du patient ont été progressivement remplacées par celles du donneur porteur de cette mutation protectrice, empêchant le virus de se réinstaller.
Après la greffe en juillet 2020, la patiente poursuit son traitement antirétroviral pendant trois ans. En octobre 2023, les médecins décident d’arrêter ces médicaments pour évaluer si le virus est toujours présent. Résultat ? Depuis cette date, tous les tests se sont révélés négatifs, ce qui laisse penser que son organisme est désormais débarrassé du VIH.
Une guérison exceptionnelle
Des examens approfondis ont été menés par le laboratoire de virologie de la Timone, sous la direction du professeur Philippe Colson. Ces tests, particulièrement sensibles, ont scruté chaque recoin de son système immunitaire à la recherche de traces résiduelles du virus. Mais contre toute attente, ils constatent une absence totale d’ADN viral dans l’organisme et un taux de lymphocytes T CD4+ en forte augmentation, signe d’un système immunitaire restauré. Aucun signe de charge virale n’est détectable. Une rémission durable semble donc en bonne voie.
Ce cas est le premier enregistré en France, mais il s’inscrit dans une liste très sélective de huit patients dans le monde ayant connu une rémission du VIH après une greffe de moelle osseuse. Le premier cas, connu sous le nom de « patient de Berlin », remonte à 2009, suivi du « patient de Londres » en 2019. Et si cette nouvelle est pleine d’espoir, les spécialistes préfèrent tempérer l’enthousiasme. Comme le rappelle le Dr Sylvie Brégigeon, médecin en charge du suivi de la patiente, « ce succès reste une avancée, mais il ne représente pas une solution généralisable ».
Dans la majorité des cas répertoriés, les greffes ont été réalisées dans le cadre du traitement d’un cancer hématologique, rendant cette approche non applicable à grande échelle pour les personnes atteintes du VIH. Cette technique ne peut être envisagée que dans le cadre de pathologies graves, comme les leucémies, ce qui limite son application aux seuls patients concernés par ces maladies. L’allogreffe de moelle osseuse est une procédure médicale lourde qui implique des risques élevés et des traitements intensifs :
- Une chimiothérapie intensive, pour détruire la moelle osseuse malade.
- Des risques de complications élevés, comme le rejet de greffe ou des infections opportunistes.
- Une nécessité de compatibilité génétique parfaite, limitant les chances de trouver un donneur adapté.
Une lueur d’espoir pour la recherche
L’objectif des chercheurs est désormais d’identifier des alternatives moins invasives, en s’appuyant sur les enseignements de ces rares cas de guérison. En comprenant mieux les mécanismes de cette guérison fonctionnelle, les scientifiques espèrent pouvoir :
- Développer de nouvelles thérapies ciblées, en explorant des techniques comme l’édition génétique (CRISPR) pour modifier le gène CCR5 chez les patients atteints du VIH.
- Créer des traitements moins invasifs, qui reproduiraient les effets de la mutation Delta 32 sans nécessiter de greffe de moelle osseuse. Un vaccin est en phase expérimentale mais ses résultats ne sont pas encore concluants.
- Améliorer les stratégies actuelles, afin de permettre aux patients d’obtenir une rémission à long terme sans dépendre des antirétroviraux. Les chercheurs s’attèlent à trouver un traitement de longue durée pour réduire ces prises quotidiennes.
Selon le dernier rapport de l’Onu Sida, les infections au VIH sont tombées à leur plus bas niveau historique en 2023, oscillant entre 1 et 1,7 million de nouveaux cas dans le monde. Des progrès importants ont été réalisés grâce aux campagnes de prévention, aux traitements antirétroviraux et à l’amélioration du dépistage. Malgré tout le VIH reste un problème de santé publique majeur, avec plus de 38 millions de personnes vivant avec le virus à travers le monde.
Ce huitième cas de guérison fonctionnelle du VIH est une lueur d’espoir pour les scientifiques et les patients du monde entier. Il prouve que l’éradication du virus est possible, mais souligne également les défis encore présents pour rendre ces avancées accessibles à tous. Si nous ne sommes pas encore prêts à annoncer la fin de l’épidémie, chaque progrès scientifique nous rapproche un peu plus d’un monde sans VIH. D’ici là, la prudence, la prévention et le dépistage restent les meilleurs alliés dans cette lutte de longue haleine. Mais qui sait ? Peut-être que dans quelques années, nous parlerons enfin du VIH au passé…
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