La fetish week, le contrepied de la fashion week ?

Gwendoline Casamata 22 octobre 2025

Fut un temps où sortir couvert signifiait glisser un préservatif dans sa poche. En 2025, il s’agit d’enfiler latex, cuir, harnais ou corset et d’assumer pleinement l’esthétique du désir. Du 23 au 25 octobre, la capitale s’apprête à vibrer au rythme de la , rendez-vous aussi stylé qu’éducatif, où l’on célèbre le corps, la liberté et la précision d’un nœud bien fait. Et rien à voir avec une bacchanale d’arrière-salle ou un fantasme mal compris. Mêlant ateliers, performances, marché de créateurs et grandes fêtes, cet évènement est porté par la scène fetish et BDSM parisienne. C’est l’érotisme en version haute couture, encadré, consenti et élégamment codifié. Un festival où le cuir se polit autant que les esprits, où la pédagogie s’invite au dancefloor et où le plaisir se conjugue à la conscience. Paris, éternelle capitale des arts et des excès, s’offre ainsi 3 jours où le corps comme le plaisir devient manifeste et le consentement, sa devise. On y croise des curieux, des passionnés, des créateurs et cette faune érudite qui sait que le fantasme, bien cultivé, est tout sauf obscur.
En somme, trois jours pour apprendre à jouir avec style, à penser avec la peau et à découvrir que, dans la Ville Lumière, la nuit aussi peut être éclairée.

Une géographie du désir

Le cœur battant de cette édition se situe à La Bellevilloise (19-21 rue Boyer 75020 Paris). Pendant trois jours, la salle devient un marché du désir : créateurs de latex, artisans du cuir, ateliers de couture, maisons de corsets, librairies érotiques et photographes spécialisés s’y réunissent pour exposer un savoir-faire plus proche de l’artisanat d’art que de la provocation. On y parle de textures, de gestes, de sécurité, mais aussi de beauté. Le Fetish Market célèbre la main, la matière et la mesure. Et puis vient la nuit, la soirée d’ouverture “PLAY EXTENDED” (le 23 octobre) qui fait monter la température d’un cran. L’idée ? Créer un espace festif et protégé où le corps devient un terrain d’expression. Et les règles sont claires : consentement explicite, dress-code précis et bienveillance obligatoire. Loin des clichés, le BDSM s’y révèle comme un langage et le cuir protège autant qu’il expose.

Le closing promet une montée en intensité avec la NUIT DÈMONIA à La Palmeraie, une institution de la scène fetish parisienne depuis 1993, orchestrée par Dèmonia, partie prenante de la semaine. Ce grand bal de fin réunit shows, dancefloor et dress-code assumé. Une apothéose pensée comme un théâtre d’apparitions, où chaque tenue raconte une fable du désir. Et c’est sans doute là le secret du succès de la Fetish Week : sa capacité à concilier érotisme et éthique. Chaque attache, chaque corde, chaque caresse est un dialogue. Et dans ce dialogue, l’accord compte plus que le fantasme.

Un festival de pratiques… et de savoirs

Si la Fetish Week attire autant les curieux que les initiés, c’est parce qu’elle a su devenir un espace d’éducation. On y vient pour comprendre les codes, les signaux, les limites et cette grammaire subtile du désir qui fait de la douleur un langage et du silence, une écoute. La programmation met à l’honneur des ateliers de techniques (maniement du fouet, bases du shibari, entretien et enfilage du latex, jeux sensoriels), des tables rondes et des talks sur les fondamentaux comme le consentement, la communication, la sécurité, l’anatomie et l’hygiène du matériel. Cette dimension école du plaisir est revendiquée. Il s’agit d’apprendre pour mieux pratiquer et de comprendre pour désirer librement.

La dynamique est d’autant plus intéressante qu’elle assume son éclectisme. Une place de choix est donnée aux exposant·es émergent·es et aux nouvelles scènes. Et Paris, dans cette semaine singulière, devient le laboratoire d’une sexualité qui ne veut plus choisir entre la chair et la conscience. On y apprend que le plaisir n’est jamais l’opposé de la prudence, mais sa récompense. La Fetish Week n’est pas qu’un événement : c’est une cartographie du désir contemporain. Elle fédère des publics longtemps marginalisés, des pratiques autrefois jugées extrêmes et les replace dans un cadre culturel, artistique et politique.

Car oui, le fetish est politique. Il affirme la possibilité d’un corps souverain, choisi et conscient de ses plaisirs. Il prône le consentement comme boussole universelle. Cette posture attire désormais un public large, bien au-delà des initiés. De plus en plus de couples vanilles (non pratiquants du BDSM) viennent s’y renseigner, observer et comprendre. Les frontières entre les mondes s’effacent. L’érotisme sort des marges et la pédagogie remplace la peur. Dans cette ville où les cabarets, les galeries et les librairies s’entremêlent, la Fetish Week s’impose comme une extension de la culture parisienne, ni plus ni moins. Ici, on ne fait que prolonger la logique du raffinement jusqu’à la peau.

La scène fetish parisienne, un écosystème

A Paris, la culture fetish s’est structurée autour d’acteurs repères. Dèmonia (sa boutique et ses soirées), des collectifs soirée/atelier, des labels et clubs partenaires ont fait passer ces pratiques du tabou à la culture et du secret honteux au patrimoine nocturne. La boutique et l’organisation de la Nuit Dèmonia ont largement contribué à professionnaliser ce champ : chartes, équipes, dress-codes, formation des staffs et lien entre créateurs, performeurs et publics. En 2025, cet écosystème paraît plus lisible que jamais. Il parle à la fois mode, artisanat, scène et santé sexuelle. Cette visibilité rejoint un mouvement plus vaste. L’érotisme contemporain gagne en légitimité culturelle. Les grands médias et agendas parisiens traitent désormais ces événements comme des festivals à part entière, et la Bellevilloise elle-même inscrit la Fetish Week à son programme au même titre que concerts, salons ou soirées clubbing. Et c’est un signe, la sexualité investit l’espace public, non comme provocation, mais comme culture.

Pour qui, pour quoi ?

La Paris Fetish Week s’adresse à un public curieux et divers. On peut y venir pour découvrir en touriste respectueux ou en pratiquant aguerri. L’essentiel est de lire les consignes de chaque événement et de respecter les dress-codes et les zones (démo, chill, play, etc.). Les ateliers d’initiation sont conçus pour dédramatiser et désacraliser. Côté marché, l’enjeu est double : s’équiper avec des pièces fiables (harnais, gants, masques, corsets, catsuits, chaussures), et rencontrer celles et ceux qui les fabriquent. Les stands sont souvent habités par des artisans prêts à transmettre un savoir-faire. Cette proximité rassure autant qu’elle séduit. On repart avec un objet, mais aussi avec des conseils et parfois l’envie de créer sa propre grammaire.

Trois arguments pour venir (et un pour rester)

1) C’est une école vivante. Les ateliers font gagner des mois d’apprentissage. On y croise des pédagogues de terrain, des performeur·euses et des sex-educators.

2) C’est une scène. Défilés, shows, DJ sets et fêtes signature transforment la ville : ouverture à La Bellevilloise, clôture avec la NUIT DÈMONIA, les classiques sont là, mais revisités.

3) C’est un marché au sens noble. La Fetish Week est aussi l’endroit où l’on soutient l’artisanat indépendant, où l’on achète mieux (matériaux, tailles, longévité) et où l’on voit naître des marques.

Et le quatrième ? On reste pour les rencontres. Parce que la communauté fetish parisienne est accueillante et normée à la fois. On vous ouvre les portes, mais on vous donne aussi les règles du jeu. Et c’est ce mélange qui fait la signature de la semaine.

Petit guide d’élégance (et de sécurité) pour votre première fois

  • Lisez l’agenda et réservez : certains ateliers et soirées partent très vite. Les informations officielles (dates 23–25 octobre 2025 et programme) sont disponibles sur le site />
  • Respectez le dress-code : pas seulement pour l’esthétique, mais pour la cohérence. À la Bellevilloise comme dans les clubs, il constitue la charte visuelle et la boussole des interactions.
  • Mots-clés : consentement, safe word et aftercare. Si l’un de ces mots vous paraît flou, un atelier est fait pour vous.
  • Hydratation, repos et hygiène : le glamour commence par le soin. Un bon jeu dure plus longtemps quand on s’y prépare.
  • Demandez : aux staffs, aux exposant·es et aux pédagogues. La Fetish Week est précisément conçue pour répondre aux questions qu’on n’ose pas poser ailleurs.

En un mot

La n’est pas une parenthèse sulfureuse, mais une révolution du plaisir, soutenue par la rigueur, l’esthétique et l’exigence du consentement. Trois jours où l’on apprend à aimer, écouter, jouer et respirer. Un festival pour ceux qui pensent que la sexualité mérite mieux que le silence et qu’elle peut être, lorsqu’elle est assumée, la plus belle forme de culture partagée. Alors, sortez couverts, mais cette fois, en beauté. Rendez-vous du 23 au 25 octobre, tenue soignée, esprit ouvert et cœur bienveillant. Paris vous attend.

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