La revanche des rondes

Flore Cherry 17 février 2016

À travers l’histoire, les canons de la beauté n’ont eu de cesse d’évoluer. Si les minces tenaient le haut du pavé, voilà que les courbes généreuses s’affichent dans les magazines et affirment une féminité exacerbée pour le plus grand plaisir de la gent masculine. Et si, finalement, les hommes ne préféraient pas les blondes, mais les rondes ?

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Après des décennies de règne, les rondes seraient-elles en passe de détrôner les filiformes ? Les fessiers charnus et les poitrines plantureuses des Kim Kardashian, Beyoncé, Rihanna ou autre Nicki Minaj trustent les unes des magazines et s’érigent en idéaux pour ces dames, comme pour ces messieurs qui applaudissent l’éclosion – et l’exposition – de ces attributs si féminins. Pourtant, des vénus paléolithiques à Kate Moss, vénus longiligne, les canons de la beauté ont eu tendance à se décharner en même temps que les siècles s’écoulaient. Les représentations féminines, plusieurs millénaires avant notre ère, montrent des cuisses, des ventres, des seins et des fesses hypertrophiés, gages de bonne santé, de survie et donc de beauté. On n’allait pas chercher plus loin que la pointe d’une défense de mammouth à cette époque. Plus tard, l’idéal égyptien est au contraire mince et musclé, le postérieur charnu étant la seule concession faite à la rondeur. Au Moyen Âge, la femme parfaite est jeune, pâle, pure, chaste, et aucun attribut féminin tapageur ne vient troubler ce tableau. Les seins sont menus, la taille marquée et le ventre rond. Mais à la Renaissance, patatras ! Éblouie par les courtisanes vénitiennes, la société française décrète le retour des formes. La femme idéale se fait pulpeuse, puis carrément potelée au siècle des Lumières.

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Des faux-culs à Marylin

Lors du Second Empire, les formes prennent encore plus d’ampleur ! Être massive et laiteuse, voilà comment correspondre aux canons de beauté de l’époque, car c’est là le signe d’une maternité satisfaisante. Et pour celles qui ne parvenaient pas à cet idéal, corsets et faux-culs étaient les bistouris du XIXe siècle. Retournement de situation aux prémices du XXe, puisqu’un nouvel emblème voit le jour : la garçonne. Cheveux courts, fesses plates, petits seins et bras musculeux, elle trouble la gent masculine par son androgynie. Mais la Seconde Guerre mondiale éclate et, après cette période de privation, la minceur n’a plus droit de cité. Le corps qui fait rêver est opulent, à l’image d’une Marylin Monroe et des pin-up des années 1950. Puis vient 1968 et là, les femmes refusent de répondre à un idéal. Liberté ! Enfin, les mannequins à la taille éponyme deviennent des stars à la fin du XXe siècle, la minceur cédant peu à peu la place à la maigreur. Les normes ont bien évolué à travers les époques, mais elles restent très fluctuantes selon les cultures ! Ainsi, la minceur est de rigueur en Asie, mais en Afrique la vue d’une femme très en chair pourrait faire perdre la tête à bien des hommes.

La femme française ne fait pas du 36

Aujourd’hui, les rondes s’affichent. Pourquoi ce retour en grâce de la graisse ? Peut-être la crise économique, et ses périodes de vaches maigres, a-t-elle donné envie de voir autre chose que des corps faméliques ? Peut-être la réalité l’a-t-elle emporté sur ces corps fantasmés, photoshopés à l’excès ? Car rappelons que, selon les derniers chiffres de l’interstron.ru française des industries de l’habillement, la femme française fait en moyenne 1,62 m pour près de 63 kg. Et seulement 13 % de nos compatriotes rentrent dans un jean qui fait moins qu’une taille 38 ! On est loin des mensurations des top models… Est-ce pour cela que les mannequins grande taille (voir encadré) ont émergé ? Les publicitaires font de plus en plus appel à ces beautés plantureuses plus proches de la réalité physique de leurs clientes, depuis des marques haut de gamme comme Ralph Lauren jusqu’aux populaires comme H&M. On dit aussi que le succès du R’n’B – et de ses clips très distingués – aurait participé à la gloire nouvelle des gros culs. God save Queen Beyoncé!

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Les rondes : « Une invitation à être plus doux, plus sensuel »

Voilà pour la tendance, mais l’attraction des hommes pour les rondes n’a, elle, jamais cessé. Nicolas, 34 ans, a « toujours pris plus de plaisir avec les rondes ». « C’est visuel, mais pas seulement. Au toucher aussi, j’ai toujours préféré les nanas enveloppées. Les obèses ne m’attirent pas, qu’on se le dise. Mais Kate Moss non plus ! » décrit-il. Des différences, à l’horizontale ? « Les positions, déjà, explique Nicolas, les minces, j’ai tendance à les porter, à faire des choses plus dominatrices, à montrer que, physiquement, c’est moi le patron. Avec les rondes, c’est une invitation à être plus doux, plus sensuel. » Lionel, 51 ans et grand amateur de voluptueuses, livre une autre explication : « Je n’ai plus fréquenté que des femmes rondes quand j’ai remarqué qu’elles étaient aussi généreuses au lit que le laissait entendre leur corps. Les courbes, c’est la féminité à son paroxysme ! Il n’y a rien de plus charnel qu’une femme avec des rondeurs ! »
« Après, il y a peut-être aussi l’image maternelle qui joue. Mais là, c’est plutôt à un psy qu’il faudrait que je me confie », plaisante Lionel. Pourtant, certains n’assument pas. « J’ai eu une aventure avec un homme marié il y a trois ans. Il avait toujours aimé les rondes, mais n’assumait pas socialement, alors il avait pris une parfaite épouse taille 38 et assouvissait sa passion en cachette. Même dans la rue, il refusait de s’afficher avec moi. Pas parce que j’étais sa maîtresse et qu’il avait peur : parce que j’étais grosse », relate Émilie, 37 ans et désormais en couple avec un homme qui lui donne confiance en elle. Lionel valide sa théorie : « La plupart de mes potes sortent avec des filles répondant aux canons classiques et marketing. Quand je creuse un peu, ils sont parfois frustrés, souvent curieux, mais n’assumeraient pas de sortir avec une ronde, question d’image. »

Arme de séduction massive

Pourquoi les formes plantureuses sont-elles si excitantes pour la gent masculine ? Peut-être parce qu’elles sont l’expression de la féminité absolue, les minces ayant gommé les aspérités propres à leur sexe : hanches, fesses, seins… Se rapprochant, finalement, du physique très rectiligne des hommes. Associée à la bien portance, à la générosité et à la fertilité, la hanche large rassure : c’est un cocon douillet qui accueillera la future progéniture. Là encore, le côté maternel revient. Et avec lui, la menace du psy. Si les rondes plaisent tant, l’explication est aussi en partie scientifique ! Selon des chercheurs de l’université du Texas, les courbes féminines auraient un effet addictif sur les hommes. Leur montrer des images de femmes pulpeuses fait réagir les mêmes centres du plaisir que l’ingestion d’alcool ou de drogues ! Les tissus graisseux contiennent également moult hormones, androgènes, œstrogènes et surtout testostérone, dont la propriété est d’augmenter le désir sexuel. Enfin, d’après des scientifiques des universités de Pittsburgh et de Californie, les rondes seraient tout simplement plus intelligentes que les minces. Et elles peuvent dire merci à leurs fesses et à leurs hanches qui stockent tant d’oméga-3, ces acides gras qui aident à maintenir le cerveau alerte.

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