Clap de fin pour Endoceutics et le « Viagra féminin »
17 février 2025
C’est un chapitre qui se referme pour Endoceutics, la société pharmaceutique québécoise qui avait fait sensation avec l’Intrarosa, surnommé le « Viagra féminin ». Fondée par le visionnaire Dr Fernand Labrie, la société vient de déclarer faillite, laissant derrière elle une dette vertigineuse de 43 millions de dollars. Alors, comment cette société qui semblait promise à un avenir florissant s’est-elle retrouvée dans une telle impasse ? Retour sur l’ascension fulgurante et la chute abrupte d’une entreprise qui avait tout pour réussir, mais qui n’aura pas survécu à la disparition de son fondateur et aux aléas du marché pharmaceutique.
Une ascension hors norme et un fondateur visionnaire
Tout avait pourtant bien commencé pour Endoceutics, une entreprise née de la vision du Dr Fernand Labrie, endocrinologue de renommée mondiale et pionnier dans le domaine des hormones. Le chercheur consacre sa carrière à l’étude du système endocrinien et aspire à révolutionner la santé féminine, en particulier pour les femmes postménopausées souffrant d’atrophie vulvo-vaginale. L’atrophie vaginale est un amincissement de la paroi du vagin souvent causé par la baisse de production d’oestrogènes. Elle occasionne sécheresse, démangeaisons ou douleurs à la pénétration.
Son bébé, l’Intrarosa, est un traitement destiné à restaurer le confort intime des femmes après la ménopause. Présenté comme une avancée majeure dans le domaine de la gynécologie, ce produit hérite même du surnom accrocheur de « Viagra féminin ». Et lorsque le produit est mis sur le marché, l’espoir est immense. On parle d’un médicament révolutionnaire, capable d’améliorer considérablement la qualité de vie de millions de femmes à travers le monde.
Fort de ce succès prometteur, Endoceutics annonce en 2017 réaliser un investissement colossal de 50 à 80 millions de dollars pour la construction d’une usine de production à L’Ancienne-Lorette, censée booster la fabrication du traitement. L’avenir semble alors radieux… jusqu’à ce que tout bascule en janvier 2019 avec le décès soudain du Dr Labrie à l’âge de 81 ans. Une perte tragique pour la science, mais aussi un séisme pour l’entreprise qui repose alors largement sur son fondateur.
Des rêves de grandeur aux échecs financiers
Avec la disparition du Dr Labrie, l’entreprise peine à trouver un second souffle. Privée de son leader charismatique et visionnaire, la société voit ses ambitions s’effriter progressivement.
À cela s’ajoutent des difficultés économiques et un contexte sanitaire mondial chaotique. La pandémie met un frein aux projets de développement, forçant l’entreprise à concentrer ses efforts sur son site de Mont-Saint-Hilaire plutôt que de poursuivre la construction de sa nouvelle usine. La construction ne voit jamais le jour et les dettes commencent à s’accumuler.
En septembre 2022, coup de tonnerre : Endoceutics se retrouve au bord du gouffre et dépose une demande de protection, en vertu de la Loi sur les arrangements avec les déficits des entreprises (LACC), un mécanisme permettant aux entreprises en difficulté de restructurer leur dette et de tenter de se remettre sur pied sans sombrer immédiatement dans la faillite.
Malgré cette bouée de sauvetage temporaire et quelques transactions de vente approuvées par le tribunal permettant de maintenir un temps les activités à flot, l’entreprise ne parvient pas à redresser la barre et la situation ne fait qu’empirer. En janvier 2025, la restructuration arrive à son terme… mais sans solution miracle. La société ne parvient pas à se relever et la faillite est déclarée.
Aujourd’hui, l’Intrarosa est toujours commercialisée, mais sous l’égide d’une autre compagnie pharmaceutique. La vision du Dr Labrie perdure à travers ce traitement, même si son entreprise n’a pas survécu aux aléas financiers et aux tempêtes économiques.
Une leçon pour l’industrie pharmaceutique ?
L’histoire d’Endoceutics soulève plusieurs questions : une entreprise aussi innovante peut-elle survivre à la perte de son leader emblématique ? La construction d’une usine de production massive nécessitait des investissements colossaux, difficiles à maintenir sans son leader principal. Le Dr Labrie était l’âme et le moteur de l’entreprise. Son absence a laissé un vide difficile à combler, tant sur le plan stratégique que scientifique.
Pourquoi l’Intrarosa n’a-t-il pas connu le succès espéré, malgré son potentiel révolutionnaire ? Comme pour de nombreuses entreprises, la crise sanitaire a ralenti la production, perturbé les financements et fragilisé les opérations.
Son produit phare, l’Intrarosa, continue d’être disponible sur le marché. Administré sous forme d’ovule vaginal une fois par jour, il agit en continu sur les niveaux d’œstrogènes et d’androgènes, aidant ainsi à restaurer la santé des tissus vaginaux. Malgré les défis financiers de son développeur initial, l’Intrarosa reste une option thérapeutique pour les femmes cherchant à atténuer les symptômes associés à la ménopause.
Quoi qu’il en soit, l’aventure de l’entreprise Endoceutics reste dans l’histoire comme une promesse inachevée, un projet ambitieux freiné par des circonstances imprévisibles. Après des années de succès et d’innovations, l’entreprise s’est retrouvée piégée par une série d’événements qui ont précipité sa chute. Et si le « Viagra féminin » a trouvé une nouvelle maison, il laisse derrière lui un héritage médical important… et une entreprise en faillite. L’amour dure peut-être trois ans, mais en pharmacie, les affaires sont parfois bien plus éphémères.
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