Addiction au sexe et aux jeux, la double face du traitement de Parkinson

Gwendoline Casamata 26 janvier 2025

La maladie de Parkinson touche près de 272 500 personnes en France. Cette affection neurodégénérative se caractérise par des symptômes moteurs tels que des tremblements, des lenteurs et des raideurs musculaires. En cause : une perte progressive des neurones produisant la dopamine, un neurotransmetteur essentiel au contrôle des mouvements, mais aussi à la régulation du plaisir et du désir. Pour pallier ce déficit, les patients se voient prescrire des traitements dits dopaminergiques. Parmi eux, le Requip, un médicament fréquemment utilisé, suscite une vive polémique en raison d’effets secondaires pour le moins inattendus. Jeux compulsifs, achats frénétiques, sexualité débridée… Pour certains patients, la prise de ce médicament vire au tourment. On fait le point.

Un remède aux effets pervers

Si le Requip permet d’améliorer la motricité et la qualité de vie des patients, il peut aussi provoquer des troubles du contrôle des impulsions, transformant la vie des malades en un véritable cauchemar. Certains malades rapportent avoir développé des addictions aux jeux d’argent, à la sexualité ou aux achats compulsifs, engendrant des dettes colossales et des ruptures sociales profondes. Souvent passées sous silence par les médecins prescripteurs, ces pulsion incontrôlables sont des effets secondaires du traitement.

Pour Radio France, Stéphane, un patient francilien atteint de Parkinson, témoigne de ces effets secondaires. Après avoir commencé son traitement, il se retrouve en proie à une addiction au jeu et au sexe. En moins de deux ans, il s’endette à hauteur de 90 000 euros, mettant en péril son équilibre financier et familial. Ce n’est que bien plus tard qu’il fait le lien entre ses nouvelles dépendances et le traitement qu’il prend quotidiennement.

Et il n’est pas un cas isolé. 48 000 Français sont sous le même médicament et exposés à ces risques, sans même en avoir conscience. Nombreux sont ceux qui peinent à faire le lien entre leurs comportements incontrôlables et le traitement médicamenteux qu’il prennent.

La dopamine, entre désir et excès

La dopamine, le neurotransmetteur qui régule le plaisir et le désir, est en déficit chez les patients atteints de la maladie de Parkinson. Pour pallier ce manque, deux types de médicaments sont couramment prescrits :

  • La L-Dopa, un précurseur de la dopamine qui se transforme en neurotransmetteur actif dans le cerveau.
  • Les agonistes dopaminergiques, comme le Requip, qui imitent l’action de la dopamine et agissent directement sur les récepteurs cérébraux.

La dopamine, impliquée dans le système de récompense, régit le plaisir et la motivation. Les médicaments comme le Requip peuvent, en stimulant excessivement ces circuits, entraîner des pulsions irrésistibles et des comportements addictifs incontrôlables. Et ces compulsions prennent diverses formes :

  • Jeux d’argent compulsifs, avec des pertes financières importantes.
  • Achats irréfléchis, souvent coûteux et inutiles.
  • Hypersexualité, mettant en péril la vie de couple et la stabilité personnelle.
  • Frénésie alimentaire, entraînant des problèmes de santé associés.

Selon une étude publiée en 2018 dans la revue Neurology, un patient sur deux traités par ces agonistes développe des troubles du contrôle des impulsions, dans les cinq ans suivant le début du traitement. Une statistique alarmante qui souligne la nécessité d’une surveillance accrue. Le professeur Jean-Christophe Corvol, auteur de l’étude, souligne que ces effets secondaires sont parfois sous-estimés, car ils ne sont pas apparus en nombre suffisant lors des essais cliniques initiaux.

Des victimes qui brisent le silence

Malgré la honte et la peur du jugement, certains patients témoignent et dénoncent un manque criant d’information de la part des médecins concernant les risques de ces traitements. Certains décident même de se battre pour obtenir réparation.

En 2010, un patient français poursuit en justice le laboratoire GlaxoSmithKline (GSK), fabricant du Requip. Il est indemnisé à hauteur de 200 000 euros en 2012 après avoir prouvé que le médicament a détruit sa vie, allant jusqu’à vendre les jouets de ses enfants pour financer sa dépendance aux jeux et au sexe. Depuis, son avocat rapporte avoir reçu plus de 250 plaintes similaires.

En Outre-Manche, un Britannique de 66 ans, devenu accro aux paris sportifs à cause du Ropinirole, un agoniste de la dopamine, a également réussi à obtenir réparation en contraignant son médecin à l’indemniser pour ne pas l’avoir averti des risques. D’autres affaires sont en cours et les patients continuent de dénoncer le manque d’information fournie lors de la prescription du traitement.

Une sensibilisation indispensable

Le principal enjeu pour les médecins est d’assurer une surveillance étroite des patients sous traitements dopaminergiques. L’étude de 2018 a mis en évidence que les risques d’addiction augmentent avec la dose et la durée du traitement. Il est donc crucial que les professionnels de santé informent clairement les patients et leurs proches des potentiels effets secondaires.

Effectuer un suivi régulier permet de déceler les comportements financiers et sociaux inhabituels du patient et d’adapter les dosages en fonction des effets secondaires observés. Les proches des patients doivent également être vigilants face aux changements d’attitude soudains, qui peuvent être un signe d’effets indésirables du médicament. Selon les spécialistes, une diminution de la posologie ou un changement de molécule peut suffire à réduire ces effets indésirables, tout en maintenant une efficacité optimale du traitement.

Les traitements dopaminergiques ont révolutionné la prise en charge de la maladie de Parkinson mais leur utilisation reste un délicat équilibre entre bénéfices et risques. Les chercheurs continuent d’explorer des solutions pour limiter ces effets secondaires, notamment en développant des traitements plus ciblés ou des approches complémentaires, comme la stimulation cérébrale profonde.

Si les traitements dopaminergiques offrent un répit face aux symptômes moteurs de la maladie de Parkinson, leurs conséquences psychologiques et comportementales peuvent s’avérer dramatiques. Il est donc essentiel d’informer, de prévenir et d’accompagner les patients pour qu’ils puissent bénéficier des avancées médicales sans en subir les dérives. Car au-delà des symptômes physiques, c’est aussi la qualité de vie des malades et de leur entourage qui est en jeu.

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