Stéphanie Doe : Jeux de cordes pour tisser des liens… érotiques

La rédaction 13 novembre 2024

Stéphanie Doe accepte de se prendre au jeu de l’interview et explique son métier de thérapeute et la place du shibari et du bandage dans sa vie.

Parallèlement à sa carrière de sexothérapeute, Stéphanie Doe poursuit son enseignement du Shibari. Elle vient de publier, aux éditions La Musardine, un troisième ouvrage sur cette pratique millénaire, co-écrit par Alex DirtyVonP, L’art du bondage.  Ce guide grand public, mélange de théorie et d’exercices simples (pratiques et guidés), illustré de plus de 200 photos, a été réalisé pour mettre ces “partitions à cordes” à la portée de tous. De nos jours, le Shibari ne se pratique plus uniquement dans l’ombre des donjons SM et s’invite au domicile de personnes en recherche de nouvelles sexualités ? 

Comment avez-vous découvert le bondage ou Shibari ? D’ailleurs, existe-t-il une réelle différence entre ces deux termes ?

Le bondage peut se pratiquer avec tout type de contrainte, tandis que le bondage Japonais ou Shibari est un art qui n’utilise que des cordes spécifiques et qui offre de nombreux concepts philosophiques.

Par qui avez-vous été formée ?
Très inspirée par le style d’Akira Naka San, j’ai pris des cours auprès de lui et de plusieurs de ses élèves officiels. J’ai également suivi l’enseignement d’autres Maîtres Japonais. Je reste fidèle à une approche traditionnelle.

Dans quel type d’évènements intervenez-vous ? Stages de formation, ateliers, démonstrations, clubs libertins ou SM ?
Il est rare que j’organise du collectif et que je fasse des démonstrations publiques, je viens toutefois de performer à la Nuit Démonia à Paris. Je préfère proposer des activités dans un cadre intime, chez moi, cours privés, séance d’initiation privée et approche somato-thérapeutique du Shibari.

Pour une personne néophyte, il est difficile de comprendre qu’on puisse éprouver du plaisir à être attaché et pourtant…
Dans une société qui valorise le contrôlé, choisir de le remettre selon un cadre défini, à une autre personne est très savoureux. La contention des cordes, être au centre de l’attention de la personne qui attache, sentir son corps pris en charge peut conduire à un relâchement profond, accentué par la libération des endorphines.

Quel lien faites-vous entre contrainte et érotisme ?
Ce lien est possible à condition d’attacher lentement et avec une intention sensuelle, érotisante. Si on est focus sur la technique ou qu’on cherche un rapport génital dans les cordes, on passe à côté de l’essence même du Shibari. À mon sens, l’érotisme se situe dans la mise en scène, la proximité des corps, le jeu entre les partenaires.

Pendant longtemps, le bondage était réservé au monde BDSM ? Qu’en est-il aujourd’hui ?
Le bondage se démocratise, avec ce que cela a de bon et de moins bon. Personnellement, je suis issue du milieu BDSM et je propose depuis des années une atmosphère plus casual, lumineuse, sans tout le décorum donjon. Les couples de la nouvelle génération semblent avoir envie d’une approche moins genrée, moins codifiée, tant mieux !

Le bondage est-il aussi une pratique qui joue à fond sur l’esthétisme ?
Selon moi, l’esthétisme ne saurait se réduire aux cordes sur le corps, c’est aussi ma manière de me déplacer quand j’attache, le fait de soigner mes bondages dans le détail, de prendre le temps de faire un geste juste et intentionné. Tout cela prend des années et demande de la pratique. Regardons les arts martiaux, la cérémonie du thé ou l’ikebana ! Cela peut avoir tendance à se perdre au profit d’une approche plus immédiate. Les gens veulent aller vite. C’est dommage.

Les premiers conseils que vous donneriez à un couple désireux de découvrir cette pratique ?
Prendre un ou deux cours d’initiation. Mon objectif d’enseignante est de donner des bases solides et sécures pour pratiquer en autonomie. On croit à tort que le Shibari de chambre, au sol, est moins risqué, le corps et l’esprit sont engagés. Il est essentiel d’apprendre les bons gestes, mais aussi les risques anatomiques, psycho-émotionnels, de s’assurer que la personne qui décide, c’est celle qui se fait attacher.

Les choses les plus importantes à respecter ?
Apprendre à exprimer envies, limites et les respecter. Comprendre que les endorphines biaisent la capacité de consentement. L’anatomie, les cordes peuvent impacter la circulation sanguine, pincer et paralyser des nerfs, notamment dans les bras et les mains.

Qu’est-ce que le bondage peut apporter dans une vie de couple ?
Je travaille sur le sujet depuis quelques années, cela implique de la communication, le fait de choisir de prendre soin d’eux, d’être vraiment attentifs à l’autre, d’être co-responsables, de nourrir l’érotisme du couple, d’apprendre et partager ensemble une pratique, c’est vraiment un chemin qui se fait à deux.

 Par rapport à votre activité professionnelle, existe-t-il un lien possible entre bondage et sexothérapie ?
Depuis un an je développe une approche dédiée aux femmes ayant vécu du trauma, sexuel le plus souvent, ou ayant un rapport compliqué avec leur corps. Je leur propose un Shibari thérapeutique, pas récréatif, pas érotique, mais vraiment axé sur une demande de réappropriation corporelle, pour reconnecter avec le toucher, le lien de confiance, la capacité à dire. C’est au croisement de mes activités d’enseignement du bondage et de sexo-analyste, mais ce n’est pas une thérapie. J’utilise la corde comme outil principal, enrichi d’autres outils thérapeutiques que je pratique, tel que le toucher conscient.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire cet ouvrage avec Alex DirtyVonP ? Ce 3e livre s’adresse aux personnes qui ont envie de pratiquer sans aller en cours collectifs ou en club BDSM. Tout le monde ne dispose pas d’un corner Shibari avec tatamis et bambou de suspension. Nous avions envie de proposer un Shibari accessible, techniquement traditionnel sans faire le focus sur la dimension culturelle, praticable dans son salon et avec peu de cordes.

L’Art du Bondage, Stéphanie Doe et Alex DirtyVonP, éditions la Musardine, 23 €.

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