Le « Love Bombing » : l’amour pervers
23 novembre 2021Le « Love Bombing », ce type de relation en apparences idyllique, cache en réalité une perversité qui n’est pas toujours évidente à déceler…
En amour, le passage du rêve au cauchemar peut se faire en un claquement de doigts. Ces dernières années, les termes en « ing » pour décrire un comportement amoureux douteux ou toxique n’ont cessé de pulluler. Le « seagulling« , qui vise à garder quelqu’un sous le coude, juste « au cas où « . Le « curving« , qui englobe une catégorie de lâches n’osant pas mettre un terme définitif à la relation et préférant attendre que celle-ci se meure à petit feu. Le « ghosting« , une autre catégorie de lâches qui optent pour la technique du mort, en attendant que l’autre comprenne tout seul qu’il est célibataire. Mais qu’en est-il du « Love Bombing » ? Qualifié comme l’arme secrète des manipulateurs, a.k.a. les fameux « pervers narcissiques », on revient sur cette pratique en apparences tendre, mais finalement bien piquante.
Le manipulateur est-il forcément un pervers narcissique ?
L’amour n’exclut pas la manipulation, ni la perversité narcissique. Ces dernières années, la vulgarisation des termes « pervers narcissique » et « manipulateur », a créé l’amalgame. Alors que la chasse aux manipulateurs et pervers narcissiques s’est déclarée, il est parfois difficile différencier les deux.
Le site informe sur la nuance entre les deux termes : « une personne manipulatrice n’est pas forcément un pervers narcissique. Elle manipule les autres pour obtenir ce qu’elle veut sans forcément leur nuire. Par contre un pervers narcissique est toujours un manipulateur. Il exerce la domination psychologique et cherche à écraser les autres pour se mettre en avant. Il n’a aucun scrupule ni ne ressent de culpabilité à blesser son entourage. ».
En 1997, la thérapeute Isabelle Nazare-Aga publie . Dans ce livre, elle liste 30 caractéristiques propres au pervers narcissique. Elle décrit, entre autres, le pervers narcissique comme une personne capable de :
- Changer ses opinions, ses comportements, ses sentiments selon les personnes ou les situations.
- Faire croire aux autres qu’ils doivent être parfaits, qu’ils ne doivent jamais changer d’avis, qu’ils doivent tout savoir et répondre immédiatement aux demandes et questions.
- Mettre en doute les qualités, la compétence, la personnalité des autres : il critique sans en avoir l’air, dévalorise et juge.
- Savoir se placer en victime pour qu’on le plaigne.
- Menacer de façon déguisée, ou pratiquer un chantage ouvert.
- Mentir, être jaloux et égocentrique
- Ne pas supporter la critique et nier les évidences
- Ne pas tenir compte des droits, des besoins et des désirs des autres
- Flatter pour plaire, faire des cadeaux, se mettre soudain aux petits soins pour vous.
- Produire un sentiment de malaise ou de non-liberté.
- Faire constamment l’objet des conversations, même quand il n’est pas là.
En ce qui concerne le profil du manipulateur, le psychiatre et psychanalyste Alberto Eiguer en donne une définition, dans un article pour : « Ce sont des marginaux, des handicapés de la vie, des adultes qui ont été des enfants tyrans. Au fond, ils sont dans une grande détresse personnelle. Leur désir de manipuler vient de là. Mais il y a des degrés et des niveaux : il ne faut pas confondre le manipulateur pathologique et le simple manipulateur. Le second cherche juste à défendre ses propres intérêts. Par exemple, les mythomanes, les personnes dotées d’une grande capacité d’adaptation, capables de se couler dans des moules, les caméléons sociaux, un peu comme dans le film Zelig de Woody Allen, appartiennent à la catégorie des simples manipulateurs. Les pathologiques, eux, cherchent à blesser, à détruire l’autre, à jouir en le dominant. Ils ont l’impression de faire la démonstration de leur supériorité par leur intelligence, par leur ruse, leur stratégie. Quand leur proie tombe dans leur escarcelle, ils éprouvent un grand plaisir. Seulement, ils ne parviennent jamais à se faire vraiment aimer, car le sentiment n’y est pas. Les réponses qu’ils obtiennent passent par la soumission, l’écrasement, l’autodestruction de l’autre, mais ils ont tellement tiré sur la corde, usé leur victime qu’elle n’a plus la force d’aimer. Elle est épuisée, vidée de son énergie. ».
« Love Bombing » : du rêve au cauchemar
Le « Love Bombing », littéralement « bombardement/déferlement d’amour » survient dès le début d’une relation amoureuse. Le ou la love bomber agit en vendant du rêve à sa proie. Les violons sont de sortie et cette personne ne lésine pas sur les moyens pour amadouer l’autre : week-end digne d’un conte de princesse, des attentions et des promesses inouïes, des déclarations d’amour qui mettraient Victor Hugo au placard. Bref, le rêve au bout de quelques jours ou semaines, seulement. Mais du coup, pomme d’amour ou pomme empoisonnée ?
Le principe même du « Love Bombing » est de faire passer l’autre du rêve au cauchemar. Une fois que cette première phase, l’idéalisation, est bien installée, c’est le moment pour le love bomber, de dévoiler sa seconde facette. Ce poker face sournois fait basculer la relation vers la seconde phase : la dévalorisation. Cette étape se traduit généralement par des reproches consécutifs au moindre faux pas. Le love bomber a l’art et la manière de se placer en position de victime. Le seul et unique but de cette parade, est de faire culpabiliser l’autre et l’inciter, subtilement, à endosser la casquette de bourreau. Vient la dernière phase, le rejet.
Depuis 2017, le psychiatre américain , s’intéresse à ce phénomène qu’il décrit comme un « stratagème de pervers narcissique ». L’expert pousse à rester vigilant, sans pour autant tomber dans une méfiance extrême. La sensation de rejet se veut très brutale et destructrice pour la personne sous emprise affective, qui en fait les frais. L’ouvrage de Barbara Ann Hubert et Saverio Tomasella, , donne des clés de compréhension et d’action en cas de dépendance affective.
Même si le « Love Bombing » effraie, et il y a de quoi, on vous rassure les histoires d’amour féeriques et sans perversité, ça existe !
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