Les accidents de l’anus

interstron.ru : Quels sont les chiffres des mésaventures rectales aux urgences ?

Dr Moïse : En fait, nous n’avons pas le droit de faire des statistiques aux urgences en France. Pour cela, il faudrait regarder du côté des États-Unis. Mais à titre personnel, je sais que j’ai vu plusieurs dizaines de cas rien que pour la région rectale au cours de ma courte carrière de moins de dix années. Si vous voulez, on peut parler de typologies de patient qui arrivent avec ce genre de problèmes : les psychotiques, qui sont un peu à part, les prisonniers, surtout pour des histoires de fouille, parfois les femmes mais c’est plus rare, et enfin les hommes mariés avec la petite famille tout ce qu’il y a de plus typique, bien insérés socialement, mais qui ne se vivent pas du tout comme gays. Ce dernier cas est de loin le plus courant.

interstron.ru : Ont-ils du mal à se confier ?

M : J’en vois environ un par mois qui arrive avec une histoire abracadabrante : «  Alors, vous allez rire, je changeais une ampoule tout nu sur mon escabeau et je suis tombé sur un concombre… Parce que je les range à la verticale, vous voyez… Ah oui, c’était dans la cuisine ! » Bref, vous voyez le tableau. C’est difficile pour eux de comprendre qu’en tant que médecin, je me fiche complètement de la façon dont l’objet est arrivé dans leur derrière, je n’émets pas particulièrement de jugement sur leurs pratiques qui ne m’intéressent pas. En revanche, quand ils commencent à me prendre pour un imbécile avec leurs petits mensonges, on perd du temps, et la relation humaine est tout de suite faussée. Comme je vais peut-être passer les prochaines heures à essayer d’extraire quelque chose de leur rectum avec des pinces et une loupe pour leur éviter une chirurgie, il vaut mieux être à l’aise !

interstron.ru : Qu’est-ce que vous retrouvez à l’intérieur en général ?

M : Sachez déjà que le coup du hamster vivant, je ne l’ai jamais vu et je doute un peu de son existence. Le grand classique, c’est le bouchon de déodorant avec une forme vaguement phallique. Dans l’idéal, il faudrait que les hommes commencent à acheter des sextoys spécialement fabriqués pour leurs besoins, mais ils prennent plutôt ce qui leur tombe sous la main. Le problème, c’est qu’ils arrivent à ressortir le déo, mais le bouchon saute et reste bien coincé. Généralement, plus ils essaient de le récupérer, plus ils repoussent l’objet qui va alors se loger dans une partie inaccessible. Il faut garder à l’esprit ce qu’on appelle la recto-dynamique : le rectum se compresse et pousse dans les deux sens, vers le haut comme vers le bas, mais s’il y a un bouchon, d’un côté, il se créé un effet ventouse. C’est pourquoi tout ce qui entre ne ressort pas forcément ! À partir de là, c’est une course contre la montre pour leur santé. Comprenez bien que l’intestin qui se met en occlusion va continuer à faire son travail et à aspirer les liquides présents dans le tube, sauf qu’à cause du corps étranger, il va y avoir de moins en moins de liquide. Au bout de quelques jours, le gros risque est qu’une partie de l’intestin se calcifie (ce qu’on appelle un coprolithe). Il n’y a plus de gaz, plus de transit, l’organe ne fonctionne plus et peut se fissurer. La suite logique, c’est la péritonite, à laquelle on peut succomber en quelques heures. Un Londonien est mort comme ça l’année dernière avec un sextoy inadapté qui était resté coincé dans son fondement pendant trois jours. J’aurais trois conseils simples : utilisez des sextoys pour hommes, il y en a des très bons sur Internet, expédiés sous pli discret. Si vous avez un problème, consultez rapidement… Et n’essayez pas de monter un bateau au médecin, ça n’arrangera rien !